Éditorial du directeur du festival
L’augmentation délirante de photographes, ou du moins de personnes qui prétendent l’être, a un nouveau corollaire : la disparition des directeurs de la photographie. C’est avec une tristesse teintée de nostalgie que nous avons ainsi appris le départ à la retraite de Kathy Ryan après 39 ans passés au New York Times Magazine. Sans doute sera-t-elle remplacée, mais de plus en plus de médias décident de supprimer ces postes ou de les confier à des novices.
L’occasion pour Visa pour l’Image de rendre hommage à ces personnes trop souvent oubliées mais ô combien indispensables au maintien de la qualité éditoriale d’un journal. De notre profession. Combien d’expositions et de projections devons-nous au coup de fil de l’un de ces directeurs, enthousiasmé par un travail qu’il a produit ou repéré ? Combien de milliers d’euros ont-ils réussi à préserver pour les services iconographiques lors des sauvages coupes budgétaires ? Combien de couvertures mythiques ont été possibles grâce à l’audace, le flair et la créativité de ces professionnels qui savent qu’un bon titre résonnera encore plus avec la bonne photo ?
La plupart des directeurs photo sont pourtant méconnus du grand public – et même, parfois, des photographes eux-mêmes. C’est regrettable. Derrière la tragique mais puissante photographie de Mohammad Salem qui vient de remporter le World Press Photo, il y a une talentueuse équipe emmenée par Rickey Rogers (Reuters) qui a su repérer cette image sur laquelle tout le monde s’arrête au milieu d’un flux incessant. À l’heure où l’accès aux zones de conflits est de plus en plus restreint, le talent d’un vrai directeur de la photographie est d’autant plus nécessaire. Devant une uniformisation de la production noyée sous la multitude, face aux nouvelles plateformes où une image chasse l’autre, comment raconter différemment une histoire et capter l’attention d’un public toujours plus sollicité ?
À Visa pour l’Image, nous continuerons – au sein de nos jurys et ailleurs – à défendre le travail de ces femmes et hommes de l’ombre dont l’œil façonne notre rapport au monde.
Jean-François Leroy
24 avril 2024