Plus qu’un état que l’on subit, la misère construit aussi la vie de ceux qu’elle frappe. Rendant souvent difficile tout concept de réinsertion dans un univers qui n’est plus le leur.

Paris, mai 1996, Nathalie, un passé déjà chargé et un statut d’exclu, accouche de Leïla. Elle n’a pas 25 ans et ses deux premiers fils sont placés par les services sociaux. Chronique de la misère ordinaire sur fond de RMI, Nathalie se débat entre efforts et résignation pour récupérer la garde de ses enfants. Cette force lui permet d’affronter la vie…

Placée par la DDASS à 13 mois, Nathalie retourne chez sa mère à 5 ans. À 17 ans, elle rencontre le père de ses futurs enfants. Il n'a rien, sa famille ne l'accepte pas. Nathalie quitte le domicile familial pour partir vivre avec lui. À 19 ans, Nathalie accouche de Marc, son premier fils. Rapidement à court d'argent, le couple se retrouve sans logement. Nathalie attend un deuxième enfant qu'elle confiera à sa mère peu après sa naissance. Après une courte pause entre squats et hôtels, le couple se sépare. Nathalie est à la rue, un enfant chez ses parents, l'aîné reste avec son père. Le 23 mars 1995, il est incarcéré. Les enfants sont placés par la DDASS.

Entre temps, Nathalie rencontre Loup, soutien au quotidien et compagnon d'errance. Le 26 mars 1995, ils se retrouvent avec d'autres à occuper un immeuble vide dans Paris. Ils y occupent une chambre miteuse pendant plus d'un an.

Loup et Nathalie ont appris à vivre sans revenu. Leur perception de la société s'arrête aux rapports de dépendance qu'ils entretiennent avec les structures caritatives et leur vision de l'avenir ne peut dépasser quelques jours quand ils doivent trouver le minimum au quotidien. Sans autre expérience de vie, ce mode d'existence est leur seule référence jusqu'à la naissance de Leïla. Mai 1996, depuis la naissance de leur fille, Loup et Nathalie perçoivent le RMI, une promotion sociale qui ne leur permet pas d'équilibrer leur budget, simplement les débuts de mois sont plus simples et ce revenu régulier. En novembre, la famille est relogée. Pour la première fois, Loup et Nathalie ont un bail à leur nom.
Cette nouvelle stabilité matérielle et financière permet à Nathalie de se reconstruire.
Plus sereine, elle peut entrevoir l'avenir et affronter le passé. Plus disponible, elle reprend contact avec ses fils et va les voir dans une structure d'accueil.
En septembre 1997, Nathalie accouche de Mehdi, son quatrième enfant. La situation matérielle se dégrade et les loyers s'ajoutent aux charges impayées. Les visites au placement familial se font plus rares. En novembre 1997, la juge pour enfants renouvelle le placement de ses fils pour 2 ans.

Depuis, Nathalie apprend à gérer l'instabilité de sa situation financière. Obligée à tenir un budget très serré pour limiter les périodes difficiles entre deux versements du RMI, elle quitte ses habitudes de dépendance vis-à-vis des structures d'aide et prend confiance en elle. Cette confiance lui permet de retourner voir ses fils régulièrement. Progressivement, Nathalie récupère la place qui est la sienne. Le 30 décembre 99, au terme du second placement, elle retourne devant le juge défendre sa cause de mère.

Christophe Gin

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