À Madagascar, la spiritualité est un socle ancestral, un dialogue permanent entre les vivants et les forces invisibles. Malgré l’apparente domination du christianisme, les croyances traditionnelles restent profondément vivantes, comme le tromba, un rite de possession où les esprits des ancêtres sont invoqués. Les mpanazary, ces sorciers-intermédiaires, continuent de jouer un rôle crucial, notamment dans les régions rurales où la médecine moderne peine à s’imposer. Odet Rafaralahy, figure majeure d’Ambatondrazaka dans l’est de Madagascar, rassemble régulièrement des foules en quête de conseils et de guérison, lors de cérémonies qui mettent à l’honneur le hasina, souffle sacré considéré comme une énergie vitale circulant entre les êtres et les lieux.
Pourtant, ce chemin vers le sacré se fragilise. Sous le coup de la modernité et de l’érosion de la biodiversité, la puissance du hasina s’amenuise. À mesure que forêts, rivières sacrées et espèces emblématiques disparaissent, c’est tout un lien spirituel qui se délite. Peut-on encore honorer les esprits de la nature si cette nature elle-même s’effondre ?

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À travers Madagascar, les lieux chargés de pouvoir – les doany, cascades, arbres millénaires – restent encore fréquentés pour prier, se purifier ou dialoguer avec l’invisible. Mais pour combien de temps ? Même à Antananarivo, où les marchés proposent ody et amulettes pour provoquer abondance et bienveillance, le souffle du sacré semble parfois étouffé par l’agitation urbaine et l’esprit consumériste.
Le syncrétisme religieux, mêlant transes ancestrales et messes chrétiennes, incarne cette tentative de préservation, parfois conflictuelle, d’une identité spirituelle unique.
Dans l’ombre, les élites politiques elles-mêmes continuent de consulter, discrètement, les mpanazary pour protéger leur pouvoir. Car, même effacé des regards, le monde invisible est là, tapi sous la modernité.
Mais si les Malgaches venaient à oublier ce lien sacré, si les rituels se perdaient dans les mémoires, ce n’est pas l’invisible qui disparaîtrait, c’est son accès qui se fermerait.

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Cette exposition a bénéficié du soutien technique du Fonds Yavarhoussen.

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