La majorité des médecins africains sont issus de milieux favorisés et préfèrent pratiquer en ville, plutôt que de s’exiler en brousse, loin du confort, du modernisme, de leur famille et de leurs amis. Le désolant paradoxe est que l’Afrique a besoin de médecins et que beaucoup d’entre eux sont au chômage à chercher un quelconque travail dans les grandes villes ou auprès des organismes internationaux. L’Afrique est trop pauvre pour entretenir un système médical financièrement attrayant pour ces jeunes gens et ces jeunes femmes qui ont fait sept années d’études. Le travail ne manque pourtant pas. L’Afrique est le continent où le poids des maladies est le plus lourd par habitant : 25% des maladies dans le monde pour moins de 10% de la population mondiale. Or, c’est la région qui compte le moins de professionnels de santé (0,8 pour 1000, comparé à 10,3 pour 1000 en Europe).

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Chaque année, 15% à 40% des personnels abandonnent le système de santé public, au profit d’autres activités plus lucratives. La rudesse des conditions de travail et la pauvreté poussent de nombreux soignants à trouver une activité complémentaire, (consultations privées), qui engendre un absentéisme désastreux et une inévitable corruption. L’émigration, elle aussi est envisagée. L’allongement de la vie dans les pays riches accroît les besoins médicaux et offre une réelle opportunité à ces médecins qui verront leurs revenus multipliés par dix, malgré un exil parfois difficile, et au détriment de pays pauvres qui ont payé la formation de ces médecins. Les pays riches envoient des médicaments, mais il faut former et encourager des hommes et des femmes compétents et motivés pour diagnostiquer, traiter, éduquer, réagir de façon appropriée face à cette « urgence chronique ». Le développement durable de l’Afrique, passe aussi par cette nécessité : l’obligation d’installer des médecins dans les campagnes. Ce reportage montre le quotidien de médecins maliens qui se sont assemblés dans l’association « Médecins de campagne », association soutenue par une ONG française, « Santé Sud », qui leur donne une formation de santé publique, un kit d’instruments médicaux, un système d’électricité solaire, une moto et surtout un suivi moral, pour affronter les difficultés d’un exil et d’une vie au cœur de la brousse.

Bamako, mai 2006.

Benoît Gysembergh

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