Comme beaucoup de photographes qui réalisent des reportages “de rue”, j’ai été influencé dès mes débuts par l’esthétisme du travail d’Eugène Atget et d’Henri Cartier-Bresson. Par leur puissance, les grands reportages de W. Eugene Smith et John Loengard constituèrent également une importante découverte pour moi. Ces photographes faisaient du noir et blanc, et j’en faisais autant.

Plus tard, je vins à la couleur, mais mon esprit n’oublia jamais complètement le style intense et libre de toute contrainte des mes collègues, pionniers en la matière. Pour moi, le but devint de relier par un même thème des images individuelles fortes. Je pris conscience qu’un reportage peut parfois être le fruit d’années de labeur, comme les “Travailleurs” de Sebastiao Salgado, alors que d’autres, comme “Telex Iran” de Gilles Perez et “Falkland Road” de Mary Ellen Mark se concluent après quelques semaines de travail.

National Geographic est devenu pour moi ce que Life était pour Gene Smith. Après la disparition de Life, je me rendis compte que National Geographic allait devenir ma seule ressource. En tant que photographe de Magnum, je sais qu’il est toujours difficile de concilier son épanouissement et son style personnels et les besoins rédactionnels d’une publication à grand lectorat. Je me suis fait une raison et accepte ce conflit potentiel, le tournant à mon avantage pour enrichir mon travail. Je suis un élève et tous les jours mes sujets et mes confrères m’apprennent quelque chose. C’est grâce à cette symbiose que je réussis à prendre des photos qui à la fois intéressent les éditeurs et enrichissent mon œuvre personnelle.

Mon travail personnel sur la culture espagnole, qui dure depuis déjà plus de 15 ans, a été d’abord exposé à Perpignan en 1994. Néanmoins, je trouve utile de “faire une pause” et de travailler sur de plus petits reportages, tels que celui sur Naples. Naples est une vraie scène de théâtre. Cette ville gréco-hispano-française et enfin romaine d’un million d’habitants, souvent méprisée par le reste de l’Italie et exclue des circuits touristiques classiques, a constitué pour moi un bref mais intense reflet de cette partie de l’Italie. Ces images ne visent pas à définir Naples, mais sont autant de vignettes des habitants d’une ville insolite et un peu folle, une page sortie de mon journal intime.

David Alan Harvey, mai 1998

David Alan Harvey

portrait_harvey_christopher_michel.jpg
Voir les archives