Entre une administration qui s’efforce, à grand renfort de commissions d’enquête, de rationaliser un domaine dont les frontières sont floues et l’exigence d’un métier en constante évolution réclamant beaucoup d’investissement personnel, les techniciens du spectacle tentent tant bien que mal de s’en sortir dans une société qui les perçoit souvent comme de grands enfants capricieux et trop gâtés.

Les techniciens du spectacle ne sont pas tout à fait des travailleurs comme les autres. Ils ont des horaires compliqués, commencent souvent très tôt pour finir très tard. Ils peuvent enchaîner dix-huit heures d’affilée et n’avoir que quelques heures pour dormir avant le montage du spectacle suivant. Ils ne sont pratiquement jamais libres le week-end, rarement en soirée, ce qui rend la vie de famille difficile. Et pour un salaire souvent loin d’être à la hauteur des heures effectuées.

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Mais ils ont une chose en commun : leur façon de penser, de vivre leur vie professionnelle. À ma question « Pourquoi faites-vous ce métier ? », les réponses sont presque toujours les mêmes : l’amour du spectacle, l’ambiance, la liberté et les nombreuses rencontres. Même si leur travail est un éternel recommencement, les mêmes gestes répétés indéfiniment, chaque jour est différent et ils sont unanimes : « Tu fais ce métier parce que, malgré la pénibilité, tu y prends du plaisir et tu te sens libre. Le jour où je ne m’amuserai plus, j’arrêterai ! » Et en effet, ceux qui ne s’amusent pas abandonnent vite.

De mon côté, je me suis beaucoup amusée à les écouter raconter leurs tribulations de tournées. Ils ont tous une histoire à raconter. Une histoire qu’ils auront souvent exagérée au fil du temps. Que ce soit une fête épique lors d’un jour de relâche, un camion rempli de matériel embourbé quelque part une heure avant l’événement… ils adorent exagérer ce qu’ils ont vécu ensemble. Mais, quoi qu’il se passe, le spectacle aura lieu, et même s’ils en voient les défauts, le public, lui, sera toujours comblé. En vingt ans passés parmi eux, je n’ai jamais vu un spectacle annulé à la dernière minute parce qu’ils n’auraient pas pu remplir le contrat. Ils en retirent d’ailleurs énormément de fierté.

À travers ce reportage, j’ai voulu mettre en lumière ces hommes et ces femmes de l’ombre, leur rendre hommage. À tous ces techniciens qui restent derrière le rideau pendant que nous applaudissons nos artistes préférés.

Claire Allard, mai 2016

Claire Allard

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© Claire Allard
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