Il naît chaque année en France 40.000 enfants prématurés. 9000 d’entre eux voient le jour avec presque trois mois d’avance, ce sont des prématurissimes, des «grands prématurés». Leur survie est le nouveau combat de la néonatalogie, celui que mène quelques services hospitaliers hautement spécialisé. Au quatrième étage de l’hôpital Antoine Béclère de Clamart, dans le service de réanimation néonatale, l’équipe de professeur Michel Dehan veille sur ces enfants 24 heures sur 24. Ils sont nés très tôt, beaucoup trop tôt. Ils pèsent seulement 500 à 700 grammes, et si à cet «âge» tous leurs organes vitaux sont formés, la plupart d’entre eux n’ont pas la maturité nécessaire à un fonctionnement normal sur le plan hormonal et enzymatique, et le cerveau, par contre, poursuit pratiquement le même développement que in utéro et est loin d’avoir fini l’élaboration de toutes ses connexions nerveuses.

Ces particularités expliquent la fragilité des «grands prémas» et les risques de handicaps plus grand que chez un enfant né à terme. La prévention des lésions est actuellement encore impossible mais leur détection est aujourd’hui performante grâce à des examens quotidiens poussés, et les médecins sont capables, dans la majorité des cas, d’établir un diagnostic et un pronostic fiables. Chez les prématurissimes nés entre 5 mois et demi et 6 mois et demi de grossesse, la moitié survit s’ils pèsent au moins 600 grammes et 20% souffrent de séquelles plus ou moins importantes. L’âge de gestation est l’élément majeur dans le pronostic de survie, complété par le poids de naissance. Il ne semble pas possible d’envisager de sauver des enfants de moins de 24 semaines de gestation pour des raisons d’immaturité physiologique et biologique.

Un profond respect de l’enfant a amené toute l’équipe à réflechir sur la sensation de douleur qu’éprouvent ces petits malades. A partir de l’observation, médecins et infirmières ont établi une grille d’évaluation qui aujourd’hui est utilisée dans un grand nombre de services de néatologie, et a permis l’évolution de pratiques médicales, et le confort des enfants dans leur couveuse. Les parents vivent douloureusement les premiers jours qui suivent la naissance, et l’hospitalisation de leur enfant dans un service de grande réanimation.Le réel attachement affectif porté par les soignants a leurs petits malades et à leurs familles apporte une aide morale qui facilite une réadaptation et progressivement la participation aux soins quotidiens de leur bébé. Aprés plusieurs semaines, voire plusieurs mois, la sortie du service et le retour au foyer est souvent vécu comme une seconde naissance.

Jean-Michel Turpin, 1998

Jean-Michel Turpin

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