Nazrin et Bashir, son fils de neuf ans, sont assis dans une minuscule pièce sans fenêtre, qui les protège du vent glacial de l’hiver. Des larmes coulent le long des joues de Nazrin quand elle décrit ce qui lui est arrivé depuis que les Taliban sont arrivés à Kaboul il y a un an et demi. Avant la prise de la ville, elle enseignait à l’Ecole Polytechnique et habitait un logement de fonction. Du jour au lendemain, sa vie a changé.

Depuis l’arrivée des Taliban, les femmes n’ont plus le droit de travailler. Elles ne peuvent quitter leur domicile sans porter la “burque”, vêtement qui les couvre de la tête aux pieds, comportant une petite fenêtre ajourée au niveau des yeux. Les femmes n’ont pas le droit de porter des souliers à talons hauts ou qui font du bruit lorsqu’elles marchent, afin de ne pas attirer l’attention des hommes; elles ont interdiction de parler aux hommes dans les espaces publics avant le mariage.

Les filles ont été exclues du système scolaire; afin qu’elles puissent rester scolarisées, des écoles clandestines ont vu le jour dans les foyers, où l’on peut trouver parfois jusqu’à 20 petites filles qui apprennent à lire et à écrire. Les châtiments que subissent, s’ils sont découverts, les enfants, leurs familles et, pire encore, les instituteurs, sont excessivement durs: les Taliban ont une prédilection particulière pour le câble d’acier avec lesquels ils donnent des coups de fouet. Les petites filles doivent se rendre à leurs cours sans être vues, et doivent mentir sur leurs agissements, de peur des représailles des Taliban.

Le nombre de suicides chez les femmes est monté en flèche; réduites à la misère, elles mettent fin à leurs jours et, dans certains cas, à ceux de leurs enfants. Dans un pays où les femmes représentent 60% de la population en raison des combats qui durent depuis tant d’années, bon nombre de familles comptent sur les revenus de la mère. Aujourd’hui, cette subsistance leur est refusée, comme en témoignent les nombreuses femmes que l’on aperçoit demander la charité dans les rues glaciales de Kabul, ou fouiller les égouts à la recherche de quelques mauvaises herbes pour tout repas.

Les portes du système de santé se ferment également peu à peu pour les femmes dans les zones contrôlées par les Taliban, certains hôpitaux qui leur étaient autrefois réservés ayant été totalement condamnés. Pour les Taliban, la gynécologie est un sujet curieux et honteux à la fois et non une discipline de première nécessité pour les femmes, et ils n’en reconnaissent pas le besoin.

Les femmes sont souvent battues par les Taliban ou leur police religieuse; dans les régions sous l’emprise des Taliban, le sentiment de peur est palpable. On dit que des femmes se seraient fait couper les lèvres pour avoir osé porté du rouge à lèvres.

Il est contre la loi de photographier tout être vivant dans les zones contrôlées par les Taliban. Les femmes qui nous ont permis de prendre des clichés se sont donc exposées à un risque monumental, mais elles l’ont fait parce qu’elles estiment qu’il est nécessaire que l’on témoigne de ce qu’elles vivent.

A Jalalabad, Anisa crache parterre lorsqu’elle parle des Taliban. “Ils sont inhumains, ce sont des bêtes sauvages”, dit-elle. “Le reste du monde avance, et nous, nous reculons”.

Harriet Logan, février 1998.

Harriet Logan

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