Les sentiers battus de ce que George W. Bush qualifie depuis le 11 septembre 2001 d’ « axe du mal », apte à s’étendre, sont jalonnés d’horreurs . Des petites filles contraintes à épouser des vieillards laids et tyranniques. Des femmes auxquelles on met le feu ou qu’on pousse à le faire pour les annihiler. D’autres accouchant, cinq à la fois, sur de la toile cirée, des enfants à l’avenir aussi incertain que les conditions d’hygiène de l’hôpital sont sommaires… Et puis un jour, on croise cet Afghan de l’Alliance du Nord, dignement drapé dans sa lutte contre l’obscurantisme Taliban, qui n’est pas favorable au port de la burka : ma femme ne l’a jamais portée… On se prend un instant à croire à l’avènement possible de ce modernisme que l’Occident promet d’apporter dans les bagages de son artillerie, quand le type précise narquois :

  • Enfin, si vous la déposez au bazar, à 500 mètres, je la mets au défi de retrouver le chemin de la maison. Elle n’en est jamais sortie depuis vingt ans que nous y vivons.
boulat_048.jpg
boulat_007.jpg
boulat_006.jpg
boulat_032.jpg

Avant que Paris-Match ne nous permette de nous lancer dans cette aventure, avec nos yeux, nos mots d’Occidentales, ni Alexandra, ni moi n’avions envisagé la burka comme un instrument de libération des femmes. Ni ce voile noir qui couvre les Iraniennes, et que les lois en vigueur nous ont contraint de partager, comme un instrument égalitaire. Et pourtant c’est ainsi qu’Anah, 32 ans, le considère : « laisser sortir dévoilées des femmes trop belles, c'est cruel pour celles qui ne le sont pas. » Anah est journaliste, docteur en mathématiques, mariée à 14 ans et déjà mère de quatre enfants, selon ses critères, sa vie est normale. « Un modèle de réussite », a-t-elle ajouté . Pendant qu’elles s’émancipent elles-mêmes de ce que nous voyons comme des fers, nous restons curieuses des mille raisons, croyances, différences, parfois cruelles, parfois rationnelles, qui les retiennent. Et, le long de cette parallèle à l’axe, passant à travers les frontières, de pistes poussiéreuses en autoroutes goudronnées n’ayant pas grand-chose à envier aux nôtres, observer se déhancher sous nos yeux ces kilomètres de tissus « habités » et fascinants. Voir qui se cache dessous.

Caroline Mangez / Paris Match
Une partie de ces images ont été réalisées pour National Geographic Magazine.

Alexandra Boulat

portrait_boulat.jpg
Voir les archives