Depuis longtemps je souhaitais réaliser un reportage sur les enfants de la Gare du Nord de Bucarest, capitale de la Roumanie. J’étais incapable de me décider à partir, sans doute parce que depuis la chute du communisme tous les médias internationaux s’étaient rués sur le sujet.

Enfin, en 1996, un rapport dénonçant l’incroyable augmentation d’enfants abandonnés, (de 80 à 100 000 enfants entre la rue et l’orphelinat), finit par me convaincre que le moment était arrivé.

Le premier contact avec les enfants fut catastrophique. Pendant une semaine je ne pus travailler. Ils avaient tellement l’habitude de voir des journalistes qu’il m’était impossible d’aller au delà du cliché. Tous me demandaient de l’argent. Finalement, Mikhail, un enfant qui avait trouvé un ballon, me demanda de jouer avec lui derrière la gare où il traînait la plupart du temps. Je posai mes appareils et organisai un match de football avec tous les gamins qui étaient là. C’est ainsi que débuta mon voyage d’un mois à travers leur vie misérable. Paupérisés, les Roumains abandonnent leurs enfants en pensant qu’ils seront pris en charge. Une idée héritée de l’état-providence de l’époque communiste, alors que le pays s’est lancé à marche forcée dans un capitalisme de marché. Aux enfants, donc, de faire les frais de ce décalage culturel.

Agés de 7 à 14 ans (un ‰ge qui coïncide quasiment avec leur espérance de vie), les enfants de la rue sont nombreux à s’être échappés des orphelinats toujours sous-équipés et au personnel souvent sous-qualifié. Endurcis par la survie dans un monde où la violence est quotidienne, les enfants de la rue sont de petits adultes. Ils sont souvent impitoyables avec ceux qui s’aventurent dans leur univers. On y trouve des filles dont la plupart se prostituent. Le sida est là, omniprésent.

Quant à la drogue, une drogue du pauvre - en fait un solvant qui remplace la colle - tous l’inhalent. Un poison létal qui leur donne une impression de liberté. Même si cela doit leur coûter la vie, tôt ou tard.

Ettore Malanca

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