Les deux murs
Alejandro Cegarra
The New York Times
Le Mexique avait la réputation d’être un sanctuaire pour les demandeurs d’asile et d’accueillir les migrants à bras ouverts. Mais depuis six ans, le pays agit comme un véritable partenaire des États-Unis en appliquant leurs mesures anti-immigration. Hier pays d’accueil, le Mexique participe aujourd’hui à des raids, refuse d’accorder des visas humanitaires, procède à des expulsions accélérées et à la dispersion des caravanes de migrants, accentuant ainsi les souffrances des demandeurs d’asile.
Ces mesures ont été mises en œuvre en réponse aux demandes persistantes de l’administration américaine qui défend une position plus ferme en matière de politique migratoire. Aux États-Unis, le « Migrant Protection Protocol », plus connu sous le nom de « Remain in Mexico » (Restez au Mexique), prévoit des « expulsions accélérées » : une mesure justifiée à l’origine par la nécessité de contrôler la pandémie de Covid-19 en vertu du dispositif fédéral appelé « Titre 42 », remplacé ensuite par le « Titre 8 » qui criminalise les demandeurs d’asile qui tentent de franchir la frontière à plusieurs reprises.
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En conséquence, des milliers de personnes se retrouvent contraintes d’attendre dans des villes frontalières dangereuses, souvent dans des camps de fortune situés dans des zones à risques du côté mexicain de la frontière, et souvent assujetties à des autorités corrompues ou des cartels de la drogue. À l’immense mur, les deux pays ont ainsi ajouté de nouveaux obstacles, laissant les demandeurs d’asile bloqués derrière des barrières physiques, psychologiques et administratives, qui leur ferment le chemin vers la sécurité qui leur avait été promise. Les restrictions actuelles témoignent tristement de la déconnexion entre le pouvoir politique et le sort des plus vulnérables.
Alors que tous les regards sont tournés vers nous, nous devons réfléchir aux conséquences profondes sur la situation de ces migrants, et les décideurs à l’origine de ces politiques doivent rendre des comptes. Ce reportage doit nous inciter à agir. C’est une exhortation à démanteler les barrières et les obstacles systémiques qui piègent les migrants et les demandeurs d’asile dans un calvaire sans fin. Ce n’est qu’à travers la compréhension collective, l’empathie et un engagement renouvelé en faveur des droits de l’homme que nous pourrons tracer un chemin vers un avenir empreint de compassion.
Alejandro Cegarra