En Afghanistan, les talibans sont au pouvoir depuis maintenant près de deux ans et les Afghans sont plongés dans une misère toujours plus profonde. J’ai cherché à dépeindre le visage humain de ce désespoir en montrant comment les gens s’efforcent de résister alors que l’économie s’effondre autour d’eux, que les talibans imposent toujours plus de restrictions et effacent les femmes de la société.

Pour cela, je me suis rendu dans des briqueteries où des familles en difficulté ont été contraintes de faire travailler leurs propres enfants. Les petits garçons et les petites filles, sombres mais résignés face à leur devoir, effectuent des travaux pénibles, façonnant, cuisant et transportant des briques d’argile. Une récente enquête de Save the Children estime que dans un foyer afghan sur deux, les enfants doivent travailler juste pour que la famille puisse manger.
Depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021, l’économie déjà en ruine s’est totalement effondrée ; la communauté internationale a coupé les financements de plusieurs milliards de dollars accordés au gouvernement précédent. L’inflation et le chômage se sont envolés et les Afghans n’ont plus les moyens de se nourrir. Selon le Programme alimentaire mondial des Nations unies, la moitié de la population est dans une situation de faim aiguë, et six millions de personnes sont au bord de la famine.

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J'ai marché sous les ponts et dans les montagnes de Kaboul, où j’ai vu de plus en plus de toxicomanes se tourner vers la méthamphétamine et l'opium pour échapper à la dure réalité de leur quotidien. J’ai rencontré des jeunes femmes qui s’épanouissaient avant dans le sport, mais qui n'ont plus le droit aujourd'hui de pratiquer les activités qu’elles aiment et qui ont l’impression que leur avenir est brisé. « Je ne suis plus la même personne », a confié une jeune femme qui pratiquait la boxe, mais à qui les talibans ont interdit de rentrer dans une salle de sport. « Depuis que les talibans sont arrivés, j’ai le sentiment de ne plus exister. »

Les Afghans semblent avoir perdu tout espoir. Le sondage annuel Gallup, qui évalue les émotions dans les pays du monde entier, a mis en lumière une partie de la misère de l’Afghanistan à travers des chiffres, notant que depuis le retour au pouvoir des talibans, le pays a le plus faible niveau d'émotions positives de tous les pays étudiés au cours des seize dernières années. Sur une échelle de zéro à dix, un Afghan sur quatre a évalué sa vie à zéro, et près de quatre sur dix ont déclaré s’attendre à être à zéro d’ici cinq ans. Au total, 98 % ont si mal noté leur vie qu’ils ont été classés dans la catégorie « en souffrance », la catégorie la plus basse.

Pour les femmes, les restrictions sont telles que l’on peut parler d’une véritable invisibilisation. Les talibans ont interdit aux filles d’aller au collège et au lycée, et aux femmes de faire des études universitaires. Ils les ont exclues de la fonction publique, ont interdit aux ONG de les employer et créé tant d’autres obstacles qu’il est pratiquement impossible pour les femmes de travailler en dehors de chez elles. Elles ne sont même pas autorisées à entrer dans les jardins publics. Dans la rue, elles doivent se couvrir non seulement les cheveux mais aussi le visage, et beaucoup ont tout simplement renoncé à sortir.

Comme l’a déclaré Richard Bennett, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’Afghanistan :
« L’Afghanistan reste le pire pays au monde pour les femmes et les filles. »

Ebrahim Noroozi

Ebrahim Noroozi

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