Prix Kodak du Jeune Reporter 2002

Je n’ai jamais vu un obus tomber sur la foule dans un marché, ni un tireur isolé abattre quelqu’un devant mon lycée. J’arrivais toujours deux secondes ou deux minutes trop tard, ou bien je traversais la place du marché juste avant que l’obus n’explose et fasse 60 morts parmi ceux qui étaient là pour acheter leurs fruits et légumes, ou encore je courais dans une rue sombre et quelques éclats de verre me tombaient dessus. Mais j’ai vu les gens nettoyer les gravats après des tirs de mortier, j’ai vu ce qui restait d’un jeune homme tué par un obus de trente kilos tombé à quelques centimètres de lui, et le visage d’une femme sortie indemne de la même explosion. J’aurais dû photographier ces scènes. Mais à l’époque je n’étais pas photographe.

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Cependant, je me rappelle l’odeur de la poudre à canon, le bruit du verre brisé ou les gens qui demandaient : « Ça va ? ». Cette question, ce bruit, cette odeur ne furent plus jamais les mêmes.

Aujourd’hui, lorsque je photographie, j’ai l’odeur de la poudre à canon dans les narines et le bruit du verre brisé dans les oreilles. Le déclic de l’obturateur me rappelle les images de mon enfance vécue dans la guerre.

Ziyah Gafic

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