Augusta-Priolo, l’un des plus importants pôles pétrochimiques d’Europe, s’étend sur plus de 20 kilomètres de côtes siciliennes le long de la mer Ionienne, entre la baie d’Augusta et le nord de Syracuse. Il assure à lui seul 34 % de la production de produits pétroliers d’Italie. Le développement de ce site industriel a débuté en 1949 grâce aux financements du plan Marshall. Une baie profonde, des ressources en eau abondantes, une situation géopolitique favorable au cœur de la Méditerranée et une main-d’œuvre bon marché ont encouragé la construction sur plusieurs années d’un réseau d’usines interconnectées. Raffineries, centrale électrique, usines de production d’amiante, de ciment, de composés chimiques (engrais, polyéthylène) investissent le littoral sicilien. Augusta-Priolo devient rapidement l’un des poumons économiques de l’Italie, employant jusqu’à 20 000 personnes dans les années 1980.

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Mais cette forte industrialisation s’accompagne d’une pollution incontrôlée de l’environnement, aggravée par la présence de réseaux criminels agissant en interaction avec les pouvoirs publics, et profitant du silence de la population soumise à la peur d’un effondrement économique en cas de fermeture des usines.

Émissions excessives de polluants, enfouissement sauvage des déchets industriels, rejet en mer de boues toxiques et de mercure… Depuis 1958, on estime que plus de 500 tonnes de mercure ont été déversées dans la baie d’Augusta. Le taux de mortalité par cancer du sein dans la région a augmenté de 8,9 % en 1951 à 29,9 % en 1980. Le taux de malformations congénitales qui était de 1,9 % en 1989 a atteint 5,6 % en 2000, entraînant un taux d’avortements quatre fois plus élevé que dans le reste de l’Italie.

En 1998, 5 815 hectares côtiers et 10 068 hectares marins sont classés site d’intérêt national (SIN) par le gouvernement italien, devant entraîner de fait une décontamination immédiate du sol ainsi que des eaux de surface et souterraines. Mais aujourd’hui, seule une petite zone a réellement été dépolluée. L’Italie ne réglemente toujours pas les émissions de plusieurs substances, tels les hydrocarbures non méthaniques, le sulfure d’hydrogène et autres composés organiques volatils. À cela s’ajoutent des incohérences décisionnelles comme le transfert des déchets du complexe sidérurgique de Tarente vers une décharge municipale en 2015.

Au nord de Syracuse, ce sont environ 120 000 habitants des communes d’Augusta, Priolo Gargallo et Melilli qui sont touchés, directement ou indirectement. « Sacrifice » tente de témoigner du drame humain et environnemental qui se joue dans le silence sicilien.

Elena Chernyshova

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Visa Pour l'Image - Perpignan (https://www.youtube.com/user/visapourlimage)

Elena Chernyshova

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