
RDC : vivre sous le M23
Paloma Laudet
Depuis plus de trente ans, l’est de la République démocratique du Congo – situé à plus de 2 000 km de la capitale Kinshasa – est ravagé par un conflit trouvant sa source dans le génocide rwandais. Depuis 2021, ce conflit s’est intensifié, atteignant un point critique le 27 janvier dernier, lorsque le groupe armé M23 (Mouvement du 23 mars) a pris le contrôle de Goma, la capitale du Nord-Kivu. Cette ville de plus de deux millions d’habitants a subi de violents affrontements opposant le M23 – soutenu, selon l’ONU, par le Rwanda voisin qui y a envoyé 3 000 à 4 000 soldats – à l’armée congolaise, avec l’aide de miliciens et de mercenaires. Tout en consolidant son emprise sur le Nord-Kivu, le M23 a poursuivi son avancée vers le sud, capturant Bukavu le 16 février 2025 et continuant depuis à s’étendre.
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Les combats ayant eu lieu dans des zones urbaines, et notamment dans des camps de déplacés, auraient fait, selon l’ONU, près de 3 000 morts et des centaines de blessés, les hôpitaux se retrouvant débordés. Depuis 2021, plus d’un million de personnes ont fui les combats autour de Goma et se sont regroupées dans des camps de déplacés, en périphérie de la ville. Assurant que la sécurité était revenue dans les territoires qu’il occupe, le M23 a ordonné le démantèlement sous 72 heures de ces camps, plongeant ainsi les déplacés dans une grande détresse. Pour nombre de ces réfugiés, rentrer chez eux est impossible : ils doivent alors se cacher dans des familles d’accueil, des écoles ou des paroisses. Pour ceux qui peuvent rentrer, c’est un paysage de désolation qu’ils retrouvent, leurs habitations ayant été souvent détruites ou pillées. Le conflit a aussi entraîné un arrêt brutal de l’activité, que la population, dépendante d’une économie de subsistance, subit de plein fouet. La prise de la ville a aggravé l’insécurité, plongeant les habitants dans la peur. Les rues livrent régulièrement les corps des victimes de justice populaire et de règlements de comptes. Les violences sexuelles ont explosé lors de la prise de la ville. Militaires congolais et rebelles du M23 : chaque camp fait ses victimes.
Le M23, avec le soutien du Rwanda, a mis en place une nouvelle administration dans les territoires qu’il occupe, les séparant ainsi du reste du territoire congolais. Selon l’ONU, le groupe est responsable de nombreuses violations des droits humains : exécutions sommaires, recrutement d’enfants soldats, violences sexuelles. Malgré cette situation, une partie de la population continue d’espérer un changement. Pendant des années, elle a souffert de l’abandon d’un gouvernement corrompu et défaillant, qui a laissé ce territoire livré à lui-même.
Dans une région où, depuis plus de trente ans, la violence se transmet de génération en génération, les civils n’aspirent qu’à la paix. La prise de Goma et de Bukavu par le M23, avec son pic de violence, a fait basculer l’ensemble de cette zone dans l’incertitude.
Comme en témoigne Sifa, 21 ans, qui vient d’accoucher d’un petit garçon à Goma : « J’ai appelé mon fils “La Guerre”, car c’est tout ce que j’ai connu jusqu’ici. »
Paloma Laudet