Londres, juillet 1944, les bombes volantes allemandes V1 et V2 pleuvent sur la capitale anglaise. Les correspondants du magazine Life sont en France où se déroulent d’homériques combats à la suite du débarquement des forces alliées sur les plages normandes. John G. Morris tient à s’échapper de son bureau de photo-éditeur pour l’Europe du prestigieux hebdomadaire illustré américain qui, en privilégiant l’image, est la source d’information de millions de lecteurs, grâce notamment aux images de Robert Capa. Il décide de partir pour la Normandie avec un Rolleiflex emprunté au journal.

« Je m’étais assigné la tâche de sortir et de travailler au quotidien avec les différents photographes de pool. Les combats sur les plages étaient terminés. Il y en avait cependant beaucoup d’autres dans la région. J’envoyais ces gens couvrir la guerre au risque de leur vie, il me semblait que je devais partager ce risque. »

La douzaine de pellicules noir et blanc 120 mm ramenées de ces quatre semaines de l’été 1944 étaient restées dans un tiroir. À l’approche de ses 97 ans et du 70e anniversaire du 6 juin (D Day), il a revisité ce reportage oublié, dont seulement une ou deux images avaient été publiées.

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Parti de Londres le 18 juillet 1944, il débarque le lendemain à Utah Beach, près de Sainte-Mère-Église, avec un titre ronflant qu’il s’est attribué : « Acting Coordinator, Press Photographers, Western Front » (coordinateur suppléant des photographes de presse du front occidental), et il compte bien accompagner chaque fois qu’il le pourra les photographes qui couvrent les opérations de l’armée américaine pour son magazine, ses compatriotes Robert Capa, Robert Landry, Ralph Morse, Frank Scherschel, et le Britannique George Rodger.

Le bocage normand ralentit considérablement les déplacements des Alliés. Les bombardements américains, effectués de très haut, provoquent d’énormes dégâts, y compris dans leurs propres rangs. Morris lui-même échappera par un heureux concours de circonstances au plus lourd « tir fratricide » de l’histoire militaire américaine qui fait plus d’une centaine de morts près de Saint-Lô, dont le général Lesley McNair et Bebe Irvin, photographe de l’Associated Press que Morris devait accompagner ce jour-là.

Les féroces Allemands qu’il pensait rencontrer sont parfois des adolescents terrorisés, presque des enfants, ou encore des hommes harassés. Morris croise, en Bretagne ou en Normandie, des GI’s noirs, des résistants aux uniformes improbables, des « troupes indigènes » juste libérées des Frontstalags. Son œil frais enregistre les charrettes à chevaux, le boucher souriant qui n’est pas censé vendre de la viande aux Alliés, les correspondants qui tapent leurs papiers en plein air. À Rennes, une femme soupçonnée d’avoir eu une relation avec un Allemand se fait cracher dessus.

Le 15 août, John Morris est de retour à Londres. Dix jours plus tard, six photographes de Life seront dans Paris libéré par la 2e DB, la fameuse division du général Leclerc.

Robert Pledge, Directeur de Contact Press Images

John G. Morris

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© Pat Trocme (courtesy Contact Press Images)
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