Après quinze jours de campagne à bord de 4x4 entre Sahel et Sahara, de bousculades en meetings, de retards en prolongations, les équipes de campagne des dix-neuf candidats à l’élection présidentielle étaient littéralement lessivées. Les comités d’accueil au bord des routes, les klaxons incessants des partisans, les hauts parleurs qui crachent discours et chansons de campagne, tous ces éléments ajoutaient à la fatigue, mais tenaient leur monde éveillé dans une sorte d’euphorie. À chaque étape, c’était le ballet des chefs de tribu, des commerçants, des opportunistes et des curieux qui s’amassaient pendant des heures devant la porte du candidat pour obtenir une audience, proposer un service, monnayer des voix ou simplement se montrer. Et, à chaque fois, le candidat se devait de recevoir tous les courtisans, un à un, autour d’un thé, sans jamais reprendre son souffle.

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Depuis son indépendance en 1960, la République islamique de Mauritanie n’avait jamais connu la démocratie. D’abord le Parti unique pendant dix-huit ans, puis cinq coups d’Etat en six ans, l’instauration temporaire de la charia et une dictature de vingt-et-un ans renversée en août 2005. Le colonel Ely Ould Mohamed Vall, installé alors dans le fauteuil présidentiel, avait promis des élections libres. Législatives et municipales ont eu lieu en novembre et décembre 2006. Pour la présidentielle, aucun des membres du gouvernement de transition n’était autorisé à se présenter, ni même à donner de consigne de vote. Forme de garantie pour l’indépendance du processus. Évidemment, dans ce pays où les rumeurs se déplacent aussi sûrement que les dunes, des bruits ont filtré. Soutiens voilés, achats de consciences, négociations tribales ; autant d’épiphénomènes inhérents à un pays aux traditions tenaces et où les conflits ethniques restent très présents. Pendant la campagne, les discours se voulaient fédérateurs, pour une meilleure répartition des revenus, le développement des industries, du système éducatif, de la santé… Au vu de ses ressources en minerais, pêche et pétrole, le pays pourrait mieux se porter. En politique comme aux postes-clé de la société, les Mauritaniens noirs demeurent largement sous-représentés. Mais c’est un premier pas. La réussite incontestable de ces élections, qui laissent espérer une démocratie durable et saine, tient à un nouveau dialogue, l’instauration d’un jeu d’opposition et d’alliances. Pour cela, la société devra muter et le pouvoir ne pas se laisser rattraper par ses vieux démons.

Stéphane Lagoutte

Stéphane Lagoutte

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