« J’ai toujours pensé qu’il fallait du temps pour que la photographie parvienne à la bonne profondeur. Pour pouvoir raconter une histoire, vous devez trouver le juste milieu entre vos propres émotions et la réalité. »

Valerio Bispuri

« Paco, une histoire de drogue » est un reportage couvrant tout le cycle de vie d’une nouvelle drogue : la production, le trafic et la consommation, les toxicomanes et les victimes. Valerio Bispuri travaille sur ce projet depuis 2003.

Le paco a fait son apparition en Argentine alors que le pays était plongé dans une dépression économique. Cette drogue du pauvre – une dose coûte aujourd’hui moins de 50 centimes d’euro – a fait des ravages dans les bidonvilles de Buenos Aires. Le paco se fume comme du crack et serait 50 fois plus puissant que la cocaïne. L’effet est immédiat mais éphémère, à peine 20 secondes. Les consommateurs deviennent rapidement dépendants, bien plus qu’avec l’héroïne ou le crack.

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Également appelé PBC (pasta básica de cocaina, pâte base de cocaïne), le paco est un mélange de résidus de cocaïne et de substances extrêmement toxiques telles que le kérosène, le verre pilé ou même la mort-aux-rats. Il est généralement fabriqué dans des laboratoires clandestins, les cocinas (cuisines), dans les bidonvilles aux abords de Buenos Aires. Cette exposition offre des vues inédites de ces laboratoires et montre le processus de production. Parmi les premières victimes de cette drogue, des garçons âgés de 12 à 25 ans qui vivent dans des ghettos urbains et qui forment une véritable armée de « morts-vivants » prêts à tout pour se procurer une dose. Les conséquences sont dévastatrices pour ces jeunes, pour leur santé et pour les communautés tout entières.

Le paco n’épargne pas les classes moyennes et supérieures et touche d’autres pays comme l’Uruguay, le Chili, le Pérou, le Paraguay, la Colombie et le Brésil. Après des années de récession et une forte hausse de la pauvreté en Argentine, la drogue s’est répandue à une vitesse folle. De plus, le trafic s’est développé dans la région lorsque l’Argentine est devenue un pays producteur de cocaïne, tout en restant une plaque tournante de l’exportation de la drogue vers l’Europe.

Au fil des ans, Valerio Bispuri a noué des contacts étroits avec des familles détruites par le paco. Il s’est entretenu avec des mères rongées par le deuil et impuissantes face à ces adolescents prisonniers d’une drogue qui les tue à petit feu. À travers son travail, il a pu observer comment les fumeurs de paco perdent le sens de la réalité, ne ressentent plus la faim et n’arrivent plus à dormir. Il a vu leur visage, leurs traits, leur conscience même se transformer, car ils fument souvent jusqu’à l’évanouissement.

Les photos de Valerio Bispuri sont bien plus qu’un exposé sur le fléau de cette drogue. Elles constituent une enquête psychologique sur les nouvelles formes de pauvreté en Amérique du Sud, sur les perceptions, les attentes et les valeurs de ces jeunes dont les vies n’intéressent guère les médias et sont brisées dans l’indifférence la plus totale.

Valeria Fornarelli et Vincenzo Ostuni L’auteur souhaite remercier Claudio Palmisano pour son travail de postproduction.

Valerio Bispuri

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