On ne peut ignorer le fait que l’homme, depuis son apparition sur la planète, a toujours tenté de contrôler ou de façonner son environnement. Mais c’est une guerre perpétuelle qu’il mène contre le désert. En récompense de ses efforts, le désert lui a toujours ri au nez, étalant le sable toujours plus loin, engloutissant ses civilisations, enfouissant ses trésors, lui renvoyant l’écho de sa propre peur.

Le 29 octobre 1948, un ingénieur vivant dans le désert, Kanwar Sain, décida de défier les dunes en concevant le plus grand projet d’irrigation de l’humanité. Il s’agissait d’arroser plus de 350 000 hectares de désert dans les états de Bikaner et de Jaisalmer au Rajasthan, en Inde.

Dix ans plus tard, le rêve que fit un homme pour amener l’eau jusqu’au cœur d’un désert dont le nom, Thar, signifie stérile, devint réalité. Sur une période de quarante ans, des centaines de milliers de femmes et d’hommes ont travaillé les dunes du vaste désert du Thar, sans jamais connaître autre chose que les camps de travail de ce rêve.

Ce reportage est un hommage aux femmes qui ont passé toute leur vie à faire couler l’eau dans le désert. Elles ne sauront jamais la valeur de ce travail de toute une vie consacrée à la construction d’un canal marquant l’avènement d’une nouvelle civilisation. Ce sont des mains d’analphabètes, qui n’ont jamais tenu de livre ou de plume mais qui ont manié la houe, la pelle et le râteau pour inscrire dans la sueur et la besogne des milliers de noms dans les sables du désert, et tenter de contrer l’avancée inexorable des dunes.

Debra Kellner, 1998

Debra Kellner

portrait_kellner.jpg
Voir les archives