“Lwang pou bondye, li mem ki gen Bon kè, li men ki renmen nou pou tout tan gen tan” (Loué soit le bon Dieu, qui a un si bon coeur et qui nous aime toujours…) - prière créole.

Chaque année, des milliers de travailleurs haïtiens émigrent en République dominicaine pour la récolte de la canne à sucre, une activité connue sous le nom de “la zafra”. La plupart travaille illégalement. Ils sont embauchés par des mafias dominicaines et des filous qui leur promettent de bons emplois dans la capitale. Escroqués et trompés, les picadores - les batteurs - n’ont d’autre choix que de travailler sans papiers dans des conditions proches de l’esclavage. Le seul péché de ces infortunés qui vivotent sans eau courante, sans toilettes, sans électricité, sans les plus indispensables assistances médicales, est de s’être enfuis d’Haïti, le pays le plus pauvre d’Amérique.

Ils touchent un salaire d’un peu plus de 3 dollars pour une journée de douze heures de souffrance sous les ardeurs d’un soleil de plomb. La destination finalle de leur travail sera “l’engin”, une formidable raffinerie construite il y a plus de cent ans et pourvue de gigantesques fours à bois, alors que le pays souffre de graves problèmes de déforestation.

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Après environ six mois, la Zafra se termine sans préavis. Le train fait un dernier trajet jusqu’à la raffinerie et décharge la canne récoltée la veille. Puis l’incertitude commence : les picadores attendent devant les portes de leurs baraques des journées entières, espérant apercevoir un nuage de poussière à l’horizon. À un moment, une fourgonnette apparaîtra tel un spectre. Elle s’arrêtera seulement cinq minutes. Le temps de ramasser ceux qui seront prêts et elle partira sans attendre les non avisés.

Dans son sillage, des familles entières feront la course, désespérées : les membres de celles qui n’étaient pas au complet lors des fatidiques cinq minutes ne seront même pas candidats à laisser leur peau en moissonnant le sucre amer. Ceux qui sont en bonne santé seront envoyés à d’autres plantations de canne à sucre de l’île jusqu’à ce que la Zafra se termine définitivement. Alors, les picadores devront rejoindre Haïti ou bien rester comme illégaux en République dominicaine et subsister précairement jusqu’à ce que, quelques mois plus tard, une autre zafra commence. Ce reportage a été réalisé dans les plantations de Barahona et de Tamayo.

La figure la plus emblématique des plantations est le père Pierre Ruquoy, fondateur de la "subversive" - du point de vue du dictateur haïtien Cedras - Radio Enriquillo. Actuellement il est directeur du “Centro Puente”, une association qui lutte pour les droits des émigrés haïtiens et des Dominicains qui travaillent à la zafra.

Tino Soriano

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