La vie courte et heureuse d’un lion dans le Serengeti
Michael Nichols
National Geographic Magazine
« Les tigres sont solitaires. Les couguars sont solitaires. Un léopard ne s’associera jamais à un autre léopard. Le lion est le seul félin véritablement social, il vit en troupe et en coalition dont la taille et la dynamique sont déterminées par un arbitrage complexe entre avantages et inconvénients de l’évolution. »
David Quammen, The Short Happy Life of a Serengeti Lion, magazine National Geographic, août 2013.
Le lion (Panthera leo) est synonyme de l’Afrique sauvage. Mais peu de gens ont conscience que le braconnage, la diminution incessante et la fragmentation de son habitat ont déclenché pour cette espèce une crise qui est l’affaire du monde entier et pas seulement de l’Afrique.
Il y a près d’un siècle, ce continent comptait encore 200 000 lions. Aujourd’hui, les études les plus récentes concluent à l’existence de moins de 30 000 lions sauvages.
Le numéro d’août du magazine National Geographic fait le point sur la situation du lion avec deux articles de David Quammen. L’un d’entre eux est illustré par les images que j’ai prises dans le Serengeti, haut lieu archétypique de l’espèce, l’autre par des photos de Brent Stirton sur les problèmes de survie auxquels est confronté le seul félin « coopératif » existant sur terre.
Nous avons travaillé, camouflés, dans une zone du Serengeti à laquelle les touristes n’ont pas accès, et avons concentré nos efforts sur quatre troupes de femelles qui régnaient sur cette partie du parc. Une lionne de chaque troupe portait un collier émetteur posé par le Serengeti Lion Project, qui étudie depuis 35 ans 25 troupes différentes. Ce dispositif nous a permis de repérer les lions assez facilement. Nous sommes tombés amoureux des Vumbi (« poussière » en swahili), une troupe de plaine constituée de cinq lionnes très soudées. La première fois que nous les avons vues, il y avait neuf lionceaux avec elles. Nous les avons suivies pas à pas pendant douze mois au total, répartis sur deux ans.
Preview
Notre article pour le National Geographic est axé sur deux mâles, les géniteurs des lionceaux Vumbi, et sur l’attaque menée contre eux par les Tueurs, une coalition de quatre mâles puissants constituée de deux fratries nées dans la même troupe. Si nous avons pu entendre et percevoir cette invasion, c’est seulement aux derniers jours de notre reportage que nous avons compris que les Tueurs prenaient le pouvoir et tuaient les lionnes et les petits de deux des troupes de forêt que nous suivions. La troupe Vumbi, dont le territoire peu giboyeux ne présentait pas d’intérêt, est restée à l’abri de cette invasion.
Je voulais que mes images offrent une vision nouvelle, intime, de ces lions, au ras du sol en quelque sorte. Pour cela, je les ai photographiés à leur moment, c’est-à-dire pendant la nuit. J’y suis parvenu grâce à un robot équipé de deux caméras, l’une pour les images fixes, l’autre pour la vidéo. De manière à ne pas perturber la vision nocturne très délicate de ces félins ni leur chasse, nous avons opéré à la lumière infrarouge.
Nous vous présentons ces images et cette vidéo sans légendes ni explications afin de susciter une réaction purement visuelle et émotionnelle. Pour les détails, nous vous renvoyons au numéro d’août 2013 de National Geographic.
Ce reportage est le résultat d’un travail d’équipe. Reba Peck nous a servi de chauffeur, de repéreur et de naturaliste. Nathan Williamson s’est occupé de la vidéo, du son, et a supervisé le fonctionnement du robot et du Mikrokopter. Le Tanzania National Park (TANAPA) nous a aimablement autorisés à travailler et à camper dans un coin reculé du parc. Craig Packer, initiateur et directeur du Serengeti Lion Project nous a fait bénéficier, Kathy Moran, rédactrice scientifique de National Geographic, et moi-même, de ses précieux conseils tout au long de la préparation du projet qui a duré cinq ans. Une fois par semaine, Daniel Rosengren du Serengeti Lion Project venait nous voir et faisait avec nous un point sur l’ensemble des troupes vivant dans notre zone. Rob Carr-Hartley, grand ami et membre du David Sheldrick Wildlife Trust basé au Kenya, s’est donné beaucoup de mal pour trouver et nous aménager une « voiture à lions » très spéciale à partir d’une fourgonnette.
Enfin, notre persévérance a été soutenue par la National Geographic Society, sous la forme d’un don octroyé par Jeffrey et Darlene Anderson. * Michael Nichols*