Mohamed Abdiwahab, âgé de 28 ans, est en poste à Mogadiscio et travaille pour l’AFP depuis 2011. Après ses études secondaires, il suit des cours par correspondance et fait son apprentissage auprès des journalistes locaux. Son travail montre la vie des Somaliens meurtris par les attentats et les combats entre bandes rivales. Cette violence au quotidien – carcasses de voitures encore fumantes et immeubles éventrés – rythme son travail. Les islamistes shebab, à la tête d’une insurrection dans le pays depuis 2007, multiplient les opérations de guérilla et les attentats-suicides contre des sites en vue de la capitale somalienne.

« Pour moi, chaque jour commence de la même façon et se termine de manière identique. Je m’attends au pire tout en espérant le meilleur. On ne sait jamais si l’on va rentrer vivant… La plupart des sujets que je traite ont trait à la violence, dont je pourrais moi-même être victime. Mes proches font pression sur moi car ils considèrent que mon métier est trop dangereux. Je prie Dieu chaque jour de me laisser rentrer chez moi sain et sauf. Quand il m’arrive de couvrir l’actualité ou les obsèques d’un confrère qui a été tué, il ne s’agit pas simplement de prendre des images. Pourquoi tout ça ? Pourquoi avoir ôté la vie à un journaliste, un innocent ? Ces questions restent malheureusement pour l’heure sans réponse. Je me vois parfois dans l’image, gisant dans la tombe. Ça aurait pu être mon tour.

Travailler en Somalie revient à marcher sur le fil d’une épée. Le niveau de risque est toujours bien supérieur au résultat de notre travail. J’aime ce métier qui comporte tant de défis à relever, tout en étant conscient que je vis au jour le jour.

Certaines images font parfois mon bonheur ; je veux parler des rares photos de vie quotidienne, identiques à celles réalisées par mes confrères vivants dans des régions dites “normales” du globe. Mon quotidien consiste à témoigner des attentats. Ces scènes me tourmentent et me font cauchemarder.»

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La Somalie est privée de gouvernement central effectif depuis la chute du régime autoritaire du président Siad Barre en 1991. Le pays est depuis en état permanent de guerre civile, livré aux milices de chefs de guerre, aux gangs criminels et aux groupes islamistes. Les shebab, littéralement « les jeunes » en arabe, sont à la tête de l’insurrection armée en Somalie, plongée dans le chaos depuis 1991. En 2010, ils ont proclamé leur allégeance à Al-Qaida, organisation à laquelle ils ont été officiellement intégrés en 2012. Leurs effectifs sont estimés entre 5 000 et 9 000 hommes. Les shebab sont issus d’une branche des Tribunaux islamiques qui ont contrôlé pendant six mois, en 2006, le centre et le sud du pays, dont la capitale Mogadiscio, avant d’en être délogés par des troupes éthiopiennes.

Depuis qu’ils ont été chassés en août 2011 de Mogadiscio par la Force de l’Union africaine (Amisom, déployée depuis 2007 en Somalie), les shebab ont été contraints d’abandonner progressivement la totalité de leurs bastions. Ils continuent toutefois de contrôler de vastes zones rurales et restent la principale menace pour la paix dans le pays.

Mohamed Abdiwahab

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AFP
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