En 1921, une loi britannique sépare l’Irlande du Nord du reste de l’île et la maintient au sein du Royaume-Uni. Avec 60% de protestants unionistes et 40% de catholiques nationalistes, l’Irlande du Nord est une société divisée. Les adversités héritées de la colonisation britannique sont exacerbées par la partition de l’île.
Catholiques et protestants vivent un développement séparé. Hostile à la réunification du Nord avec le Sud, le parti unioniste officiel, majoritaire, s’approprie rapidement l’appareil d’état en Ulster et inspire un apartheid à l’usage des blancs, reléguant les membres de la minorité catholique à l’état de citoyens de seconde zone. Derrière un conflit religieux, culturel et politique, apparaît alors une forme de lutte des classes : les catholiques victimes de nombreuses discrimination sociales vivent sous la puissance économique protestante.

L’Ulster devient une de ces terres d’élection du fanatisme et jusqu’en 1969, se réclame province “protestante pour un peuple protestant “. Belfast, capitale du nord de l’île, témoigne aujourd’hui de la rivalité qui oppose ses habitants… En dépit du brassage de population hérité de la révolution industrielle, chacun vit moralement et physiquement barricadé, muré dans le ghetto de ses appartenances religieuses.

La population catholique, deux fois plus touchée par le chômage, se sent opprimée par l’état protestant, la population protestante, d’autant plus dans ses quartiers ouvriers, se sent spoliée de son bien par la présence catholique. Ardoyne, Falls Road, Bally-murphy, Ormeau Road, Sandy Row ou Shankill, mêmes peurs, mêmes souffrances.

Protestants ou catholiques, ces quartiers forment une géographie urbaine partisane ou tout risque de se commettre avec un membre de l’autre communauté est supprimé. Les murs clament leur appartenance, Union Jack chez les unionistes ou slogans anti-britanniques chez les nationalistes. Ecoles, magasins ou pubs, tout est cloisonné. Chacun vit sa foi à l’abris de ses fortifications, sous la protection de sa milice. Tout manquement à cette règle est synonyme de heurts…

Depuis 1969, les affrontements armés entre l’I.R.A, les groupes paramilitaires loyalistes, les forces de l’ordre ou l’armée britannique n’ont pas cessé. Période transitoire, 1996-97 marque une réelle volonté de changement. La nouvelle donne politique laisse espérer, comme en 1993, une solution possible du conflit, basée sur la coopération entre Belfast, Londres et Dublin…

L’alternance avec l’arrivée de Tony Blair à la tête du gouvernement du Royaume-Uni, la victoire d’un parti, favorable à l’unification de l’île, au sud, poussée par la volonté américaine d’en finir avec le problème irlandais semble changer les règles.

Le cessez-le-feu décrété par l’IRA le 19 juillet 1997 permet au Sinn Fein de prendre part, en septembre 1997, aux négociations sur les accords de paix. Le 10 avril 1998, à 17h30, au terme d’une année marathon, des accords de paix sont conclus à Belfast. Cette guerre a fait plus de 3000 morts.

Le 14 juillet 1969, Francis McCruskey tombe le premier sous les coups de la police royale. Le 17 avril 1998, Belfast, une semaine après la signature des accords de paix, un homme est tué par balle devant les bureaux d’une compagnie de taxis, cible traditionnelle des milices paramilitaires.

Belfast toujours, avril 1998 encore, un nouveau mur se construit à White City, une nouvelle “peaceline” séparera catholiques et protestants. Il y a des haines et des rancœurs qu’une signature soigne difficilement.

Christophe Gin, Juin 1998

Christophe Gin

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