Les émeutes de mars 2008 au Tibet et la brutale répression de l’armée chinoise ont révélé une nouvelle génération de Tibétains.

A Dharamsala, siège du gouvernement en exil du dalaï-lama, la jeunesse tibétaine organise la résistance. S’ils gardent un profond respect pour leur guide spirituel et politique, le dalaï-lama, ces nouveaux résistants sont plus radicaux et déterminés que leurs aînés. Certains, parmi eux, commencent même à remettre en cause la politique non-violente prônée jusqu’alors par le gouvernement en exil.

Ils sont nés hors du Tibet, de parents réfugiés ou arrivés récemment en Inde clandestinement après avoir traversé l’Himalaya. Leurs armes ? Leur détermination. Et Internet, qui, dans le monde entier, chaque jour, tisse la toile de leur révolte.

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Chaque semaine, à Dharamsala, centre névralgique de leur lutte, arrivent de nouveaux jeunes réfugiés. Certains ne sont encore que des enfants, envoyés par leur famille restée au Tibet. Toute une infrastructure est mise en place pour les accueillir et leur donner une éducation identitaire après des années d’endoctrinement chinois. Les nouveaux arrivants sont dirigés vers les écoles de transit, les lycées et les centres de formation professionnelle mis en place par le gouvernement tibétain en exil en Inde : au «Tibetan Children’s Village», à la fois orphelinat, école primaire et lycée, créé par la mère du dalaï-lama ; au «Tibetan Institute of Performing Arts», ouvert par le dalaï-lama, pour assurer la conservation de la culture lyrique et musicale menacée par l’hégémonie culturelle chinoise au Tibet ; à l’Institut Norbulingka, enfin, conçu par Kim Yeshi, Franco-américaine mariée à un haut dignitaire tibétain, destiné à préserver et développer l’artisanat et les arts traditionnels dévalorisés et dénaturés depuis l’invasion du Tibet par les troupes de Mao en 1950.

Cette résistance à la fois politique, culturelle et spirituelle, est aussi vivace dans les temples de Dharamsala, «filiales» des monastères historiques tibétains, dont plus de 6 000 ont été détruits pendant la révolution culturelle. Au Tibet aujourd’hui, prononcer le nom du dalai-lama, posséder une de ses photos, réclamer la libération du panchen lama, enlevé en 1995 à l’âge de 6 ans, ou scander un chant religieux, sont des «crimes d’Etat», passibles de la prison. Et de la torture.

A Dharamsala, dans les temples du XIVe dalaï-lama, du jeune karmapa, ou des 160 nonnes de Geden Choeling, prier le Bouddha ou encore écouter les enseignements du dalaï-lama, sont de précieuses libertés retrouvées.

Nous avons suivi cette jeunesse gaie et enthousiaste, qui ne se plaint pas et savoure cette liberté dont elle connaît le prix. En jeans ou en tenue traditionnelle, cette nouvelle génération circule à moto, parle tibétain, chinois, anglais et hindi, surfe sur Internet, et écoute du rock et de la variété bollywoodienne autant que de l’opéra tibétain. Une génération «branchée» et politisée, ancrée dans la modernité et garante d’un passé qu’elle revendique avec ferveur, toute entière dédiée à un rêve : retourner un jour dans son merveilleux pays idéalisé.

Caroline Laurent pour ELLE

Patrick Robert

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