La dépouille du combattant de l’État islamique gisait sur la crête, les taches de sang s’assombrissant au soleil, tandis qu’une file de soldats somaliens lourdement armés serpentait le long de la montagne vers une grotte fortifiée, leurs tenues de camouflage marquant une nouvelle ligne de front dans la lutte contre le groupe terroriste international.
Selon le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom), la branche somalienne est devenue la nouvelle base opérationnelle et financière de l’État islamique, et les responsables locaux estiment qu’elle compterait près d’un millier de militants. De nombreux combattants étrangers ont afflué en Somalie pour constituer une force redoutable qui menace aujourd’hui plusieurs cibles occidentales. Cette branche est également devenue une importante source de financement pour d’autres groupes de l’État islamique à travers le monde. Selon les enquêteurs de l’ONU, ces groupes sont responsables de la mort de plusieurs milliers de personnes, y compris des soldats américains.

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C’est au Puntland, une région isolée et semi-autonome située dans l’une des nations les plus pauvres et les plus faibles du monde, qu’a été confiée la mission de contenir cette menace croissante. Les soldats du Puntland se retrouvent ainsi engagés dans un combat acharné, aux implications internationales majeures, mais sans soutien occidental.
Carolyn Van Houten, photographe au Washington Post, et Katharine Houreld, correspondante à Nairobi, se sont rendues en Somalie en janvier pour explorer le champ de bataille toujours plus vaste dans le Puntland, jusque dans les grottes récemment découvertes où se sont réfugiés les combattants de l’État islamique. Elles se sont entretenues avec des déserteurs emprisonnés qui disent avoir été forcés de rejoindre le groupe, ont interrogé des responsables somaliens et américains, et examiné les éléments de preuves recueillis à partir de téléphones et de drones capturés. Elles ont ainsi obtenu le récit le plus complet à ce jour sur la façon dont l’État islamique a pu se régénérer dans cette région au cours des dix dernières années après avoir perdu son califat autoproclamé au Moyen-Orient.
Depuis des décennies, Washington cherche à soutenir le gouvernement de Mogadiscio, mais la Somalie reste un État fracturé. Les divisions politiques ont entravé la lutte pour libérer les zones méridionales aux mains du groupe Al-Shabab, affilié à Al-Qaïda. Plus récemment, elles ont permis à l’État islamique de s’implanter dans le nord. L’État islamique en Somalie a rompu avec Al-Shabab en 2015. Selon l’armée américaine, Abdulqadir Mumin, son insaisissable chef à la barbe orange, est aujourd’hui le calife mondial de l’État islamique. Contrairement à ses rivaux d’Al-Shabab, l’État islamique ne s’est pas concentré sur la conquête de territoires en Somalie ; ses ambitions sont plus grandes. Terré dans les montagnes de Cal Miskaad, à la pointe même de la Corne de l’Afrique, il a établi un centre international du terrorisme.
La nouvelle offensive militaire, prévue depuis des mois et lancée le 2 janvier 2025, a été retardée alors que le Puntland tentait de négocier le soutien de partenaires internationaux, dont les États-Unis.
Carolyn Van Houten a photographié les conséquences de l’offensive militaire. Elle a rencontré des combattants étrangers qui ont rejoint l’État islamique et ont été capturés par les Forces de sécurité du Puntland. Elle a accompagné les soldats de ces forces durant leur tournée des positions récemment libérées, offrant ainsi un aperçu inédit des lignes de front.

Katharine Houreld / The Washington Post

Carolyn Van Houten

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Ray Whitehouse
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