La querelle qui a de tout temps opposé les partisans d’un art noble aux défenseurs des arts appliqués semble aujourd’hui dépassée ; à preuve le nouvel accrochage du Musée d’art moderne de New York qui mêle en une même salle peinture, art décoratif ou photographie pour décrire une situation artistique.

Dans ce contexte la photographie apparaît avoir fait la paix avec elle-même; comme Baudelaire l’avait suggéré, celle “humble servante des arts” a, pour les uns, longtemps été rangée au rayon des accessoires de l’art tandis que les autres lui conféraient tous les attributs de l’art contemporain.

La commande du Ministre de la Culture et de la Communication s'inscrit dans cette réflexion : comment la quarantaine d'artistes et de photographes français et étrangers, qui ont été sollicités voient-ils les jeunes de notre pays dans ce monde en transition brutale ? Il est clair que depuis environ une décennie la ou les pratiques photographiques s'opèrent par glissement voire par métissage.

Les premiers signes ont été perçus lors des guerres des Balkans, notamment à Sarajevo, où les correspondants de guerre réalisaient des clichés que les magazines dédaignaient ; la télévision avait en quelque sorte "tué" l'image photographique. Les artistes ont pris la relève proposant au public des oeuvres d'un réalisme brutal, oeuvres de nature politique et sociale exposées au regard du public dans les galeries, les musées mais aussi les périodiques.

Là où le journaliste avait perdu la bataille de la page imprimée, il regagnait du terrain, tels Laurent Van der Stockt et Luc Delahaye, en engageant un autre combat dans le champ de l'art.

Cette pratique s'est plus largement répandue à la fin des années 90 avec en outre la présence de plus en plus affirmée des photographes de mode ou de publicité dans le monde de l'art ; comme si pour les Martin Parr, Inès van Lamsweerde ou Véronique Ellena, leur savoir-faire dans le domaine de la communication se doublait d'un engagement artistique dans le champ social.

On comprend ainsi pourquoi au vu du corpus ainsi réalisé sur la jeunesse, le spectateur hésite entre réalité et fiction. Pourtant tous, Philippe Durand, Igor Moukhine, Martine Locatelli, Véronique Ellena, David Rosenfeld, Bertrand Desprez, Hélène Bamberger, Marie-Paule Nègre, Laurent Van der Stockt ont tenté de décrire les jeunes dans leurs apprentissages, leurs relations ou leur situation sociale à la fin de ce siècle.

Agnès de Gouvion Saint-Cyr