C’est un hiver rigoureux qui a commencé en 2013. Dans la ville d’Herat le jour de Noël, les gens brûlaient des déchets au bord de l’autoroute pour se réchauffer après avoir fui les combats et, ironiquement, la sécheresse dans les zones rurales périphériques. Mais bien que ténu, l’espoir subsistait. Pour la première fois depuis la chute des talibans en 2001, l’élection présidentielle de 2014 devait être organisée par les Afghans et non plus par des acteurs internationaux.

Le jour de l’élection à l’aube, les explosions de roquettes résonnaient dans Kaboul. Les talibans avaient promis un bain de sang. Le ciel était sombre, mais les électeurs faisaient la queue sous la pluie, faisant preuve de patience face aux inévitables aléas logistiques et menaces pour la sécurité. Au total, 6,5 millions de votes ont été exprimés et la journée a été présentée comme un succès.

L’enthousiasme a cependant été de courte durée et le pessimisme s’est rapidement emparé du pays. Au lendemain du second tour entre les deux principaux candidats, il y a eu des accusations de fraude et un audit a été lancé. La confiance dans la République afghane s’est effondrée, tout comme la devise nationale et les investissements étrangers, et le chômage a explosé. À la fin de l’année, la mission militaire internationale a confié la responsabilité de la sécurité aux forces de sécurité nationales afghanes.

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Après avoir attendu patiemment que les forces étrangères mieux équipées, mieux formées et plus motivées quittent le pays, les talibans ont rapidement lancé l’offensive. Ils ont pris le contrôle de leur première grande ville, Kunduz, dans le nord du pays, en septembre 2015. Au cours de l’opération visant à reprendre la ville, les frappes aériennes américaines ont détruit un hôpital de traumatologie géré par Médecins sans frontières, tuant 42 patients et soignants dans l’un des épisodes les plus terribles de toute la guerre. Alors que les combats s’intensifiaient, les diplomates américains ont relancé les négociations de paix avec les talibans. En février 2020, après dix-huit mois de négociations sous la présidence de Donald Trump, un traité de paix en Afghanistan a été signé entre les représentants américains et les talibans, marquant ainsi la défaite des États-Unis en prévoyant le retrait total des forces internationales l’année suivante si le gouvernement afghan et les talibans s’engageaient à entamer des pourparlers de paix. Mais les États-Unis, sous la présidence de Trump comme sous celle de Biden, étaient plus déterminés à retirer leurs troupes qu’à assurer la stabilité en Afghanistan.

Début 2021, après l’annonce du président Biden que les États-Unis respecteraient l’accord de retrait, les talibans ont intensifié les offensives dans tout le pays, s’emparant des régions rurales les unes après les autres alors que les forces gouvernementales s’effondraient, préférant souvent déposer les armes et se rendre. Au début du mois d’août, les 34 capitales provinciales de l’Afghanistan étaient presque toutes encerclées. S’attendant à une bataille ouverte et sans merci à Kaboul, les forces étrangères et les diplomates encore sur place ont accéléré le processus d’évacuation. Finalement, les talibans ont repris le pouvoir beaucoup plus vite qu’ils ne l’avaient prévu : il n’a fallu que dix jours pour qu’ils prennent le contrôle de la plupart des capitales provinciales. À l’aube du 15 août, leurs combattants avaient atteint les portes de Kaboul.

Pendant deux semaines, des combattants talibans victorieux ont gardé l’aéroport international de Kaboul où des forces étrangères sous le commandement de l’armée américaine assuraient le transport aérien de jusqu’à 10 000 personnes par jour : des diplomates étrangers, des travailleurs humanitaires et des journalistes, mais principalement des Afghans qui cherchaient à tout prix à fuir le nouveau régime. De nombreuses personnes ont trouvé la mort, écrasées par la foule ou abattues par des combattants talibans qui s’efforçaient de contrôler l’accès à l’aéroport alors que des dizaines de milliers de personnes tentaient d’y pénétrer. Un kamikaze de Daech a emporté avec lui 180 personnes, dont treize soldats américains. Quelques jours plus tard, dans une tentative apparente d’empêcher une nouvelle attaque, une maison familiale a été frappée par un missile Hellfire tiré par un drone américain. Les dix victimes, dont huit enfants, ont été enterrées dans un cimetière près de l’aéroport alors que les derniers avions américains s’élevaient dans le ciel et quittaient définitivement le sol afghan.

Andrew Quilty

Andrew Quilty remercie Le Monde et Le Figaro Magazine

Andrew Quilty

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