Le charbon est toujours roi dans cette région appelée Appalachie. La Virginie occidentale est le deuxième producteur de charbon aux Etats-Unis. Aujourd’hui, la terre est éviscérée à une vitesse ahurissante avec un minimum de main d’œuvre. La mécanisation et les progrès technologiques ont transformé l’exploitation minière en un processus incroyablement efficace. Si bien que l’industrie du charbon est en plein essor et la culture minière d’Appalachie se meurt. Ces gens, dont le travail éreintant nous a fourni en abondance une énergie bon marché, ont été maudits par ce caillou noir et personne ne s’est jamais vraiment soucié de leur misère. Nous pouvons certes nous en prendre au gouvernement pour avoir permis que les aliments que nous mangeons et le sol sur lequel nous vivons soient contaminés, nous ne devons pas pour autant oublier notre propre responsabilité vis à vis des êtres humains qui ont fait les frais de l’économie houillère.

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Cette exposition présente les laissés-pour-compte de l’industrie du charbon. Il est la mémoire de ce qui reste des campements miniers du sud de la Virginie occidentale. C’est une de ces histoires souvent racontées. De nombreux récits fascinants et merveilleusement écrits des luttes qui ont opposé les mineurs aux exploitants ont été portés à l’attention du grand public sans impact significatif ou durable. Ces images tentent de donner à ces textes un visage humain. Ces gens témoignent directement de toutes ces vicissitudes sociales, économiques, et écologiques fort complexes. Ces photos génèrent une réaction viscérale chez le spectateur qui découvre le coût humain de la production houillère.

La roche noire a été une bénédiction et une malédiction au cœur d’une tragédie humaine sans nom. Ces morceaux souillés de vie animale et végétale fossilisée ont permis à l’Homme de se développer sur cette planète et de réaliser pleinement son potentiel dans une civilisation moderne. Le charbon est donc l’échelon le plus bas de la chaîne alimentaire économique. A ce titre, il est à la base même de la vie telle que nous la connaissons dans les pays développés. L’extraction du charbon au début du dix-neuvième siècle a permis aux forêts décimées de repousser et s’est trouvée au cœur de la révolution industrielle. Même si on venait à utiliser une autre source d’énergie, l’extraction du charbon se poursuivrait indéfiniment. Lorsqu’un Américain appuie sur un commutateur, six fois sur dix, la source de cette énergie provient du charbon. En outre, non content de produire de l’électricité, le charbon est à la base de milliers de produits dérivés que l’on retrouve partout au quotidien. En voici quelques exemples pris au hasard : piles, aspirine, revêtements des chaussées, germicides, teintures et dentifrice. Regardez autour de vous dans une pièce quelconque ; si son contenu n’a pas été cultivé, il est sorti d’une mine. Même les machines utilisée pour transformer toutes ces matières premières en produits de consommation, ont été moulées et trempées dans des fonderies alimentées par du coke.

La pollution générée par l’extraction minière et par le combustion du charbon a été considérable et meurtrière. L’exploitation minière a non seulement détruit certaines des plus belles régions de ce pays, mais les effets des centrales électriques utilisant le charbon comme combustible ont été délétères pour des millions de personnes et ont empoisonné notre chaîne alimentaire. Tant de mercure provenant de ces centrales s’est écoulé dans nos rivières, lacs et océans que de nombreuses variétés de poisson d’eau douce ne sont plus propres à la consommation.

Le point d’entrée de ce monde perdu est Beckley, Virginie occidentale. Un réseau de routes éparses s’étend vers le sud par delà les profonds replis des anciens massifs vallonnés du Cumberland pour se perdre dans les vallées. Les campements miniers portent des noms distinctifs qui reflètent le caractère aléatoire de leur développement : Jolo, Amigo, Oceana, Giatto, Yukon, Coalwood, Big Sandy, Johnny Cake Junction. La terre s’impose dans toute sa beauté et sa majesté. Les crêtes bleutées se perdent au loin telles des écrans cloisonnant les habitants dans autant d’univers intimes et isolés. Quand on n’est pas de la région, on ne saisit pas tout de suite la nature hybride de cette terre et de ses habitants. La terre a marqué les hommes d’une empreinte aussi profonde que celle que les hommes ont creusée dans la terre pour en extraire le charbon. Les caravanes et les maisons, les arbres et les buissons forment une trame indissociable. Même si les gens ne vivent pas aussi directement de la terre que leurs aïeux, ils ont encore des jardins et chassent dans les bois. Mais au-delà de l’intimité qui unit ces gens à la terre, il existe un lien très fort avec leur style de vie. Quitter leur famille, leur hameau, est un déchirement, et en même temps, ils sentent qu’ils pourront toujours revenir ‘à la maison’ dans ces collines.

On pourrait facilement confondre l’autre Virginie occidentale avec un bidonville du tiers monde. Les campements miniers bordent toujours les ruisseaux comme des petits pois dans les plis d’un tablier, mais ils sont désormais creux et secs. Des maisons délabrées et des squelettes de caravanes jonchent les vallées tels des amoncellements de détritus se mélangeant à des forêts dénudées, des alignements déchiquetés, abandonnés, de mines éventrées et de mares de déchets toxiques. Des eaux usées à l’état brut, portées par les ruisseaux, dévalent ces montagnes qui sont parmi les plus belles de ce pays. De grandes villes, comme Welch ou Mullins, où jadis fourmillaient cent mille habitants, sont aujourd’hui vidées de toute substance, tristes dédales en décomposition. Des mineurs âgés, handicapés, leurs veuves et une génération perdue n’ayant jamais connu une économie viable, s’accrochent, tuent le temps devant la télévision ou “al fresco” sur la véranda. Tous ceux qui en avaient la possibilité sont déjà partis vivre et travailler ailleurs. En plus des déchets minéraux, les compagnies minières ont laissées derrière elles des scories humaines. Brisés, la terre et les hommes attendent leur réhabilitation.

Melanie Light

Ken Light

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