Vivre dans le désert est difficile. Et y voyager demande un apprentissage, qui peut être long et rude. Nul ne pourra commencer à connaître cette terre s’il n’est parti à la recherche de l’eau, du bois et des troupeaux. Sans doute est-ce pourquoi le critère premier sur lequel un nomade du Sahara central ou méridional juge un étranger est le courage : « Ce n’est pas un courageux », « C’est une courageuse. » Combien de fois ai-je entendu cette parole péremptoire, avant tout autre commentaire sur le caractère, l’intelligence ou la beauté d’un visage ! Car si le désert peut prodiguer splendeur et sérénité, il est aussi imprévisible, hostile, souvent ingrat et exige d’être approché avec respect, avec attention. Pudique et secret, devenu malgré lui un produit à consommer, il se cache aujourd’hui derrière le mirage de décors publicitaires et le miroir aux alouettes d’un tourisme à la mode. Un désert facile à la portée de tous, tel est le leurre des temps présents.

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Celui qui aura « fait le désert » en dix jours de voyage dit « organisé », que saura-t-il de la faim et de la soif, du froid, du dénuement et de la familiarité avec la mort que connaissent ceux qui y vivent ou le parcourent – car les pays existent par ceux qui y habitent, mais aussi par ceux qui les traversent ? N’oublions jamais les derniers mots murmurés en mars 1920 par le général Laperrine à ses deux compagnons d’infortune : ils sont d’actualité. Il les prononça au moment de mourir, perdu à moins de quatre cents kilomètres au sud-ouest de Tamanrasset : « Mes enfants, on croit que je connais le désert, mais personne ne le connaît. [...] J’ai traversé dix fois le Sahara et j’y resterai la onzième. »

Jean-Luc Manaud

Le désert que Jean-Luc Manaud nous donne ici à voir n’est pas celui des belles images servant d’appât aux marchands, qui ont envahi nos murs, écrans et vitrines. Si photographier signifie « écrire avec la lumière », Jean-Luc Manaud regarde et raconte. Il a modestement écrit avec la lumière, et nous propose des photographies sobres, parfois austères, qui reflètent une réalité quotidienne. Puissent ainsi ceux qui partageront ces "Chroniques Sahariennes" revivre leur propre expérience ou mieux comprendre ce que peut être une contrée du Sahara méridional, fragile et irremplaçable.

Roselyne Chenu

Jean-Luc Manaud

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