“Il n’y a aucune chasse semblable à la chasse à l’homme; ceux qui ont chassé des hommes armés assez longtemps pour y prendre goût ne s’intéressent par la suite à rien d’autre”. Ernest Hemingway

Aux Etats-Unis, les chasseurs de primes utilisent aujourd’hui des méthodes pour traquer et capturer leurs victimes qui n’ont en rien évolué depuis la création du pays. Si les origines de la profession remontent à l’Angleterre du Moyen Age, le texte de loi le plus souvent cité en référence est le jugement prononcé en 1872 par la Cour Suprême américaine dans l’affaire Tailor contre Taintor, autorisant les chasseurs de primes à traquer et capturer leurs proies.

Cette corporation de chasseurs d'homme indépendants travaille rarement pour des services officiels de répression et n'est donc pas assujettie aux contraintes constitutionnelles que se doivent de respecter les officiers de police. Ils jouissent donc de pouvoirs considérablement plus larges que la police, tel que celui d'entrer par effraction dans un domicile et de le perquisitionner sans mandat, ou de transporter un fugitif au-delà des frontières de l'état sans devoir tenir compte des lois sur l'extradition.

Travaillant pour le compte de sociétés de paiement de caution à la recherche de clients n'ayant pas répondu à leur citation à comparaître au tribunal, ils disent rendre service à la société en la débarrassant de criminels sans que le contribuable n'en fasse les frais. Mais ce service se paie tout de même chèrement. Puisqu'ils ne sont que rarement assujettis aux lois en vigueur dans les divers états du pays, leurs activités ne sont de fait contrôlées par aucune autorité, ce qui a rendu possible un grand nombre d'abus dans tout le pays, attirant enfin l'attention du Congrès dans les années 90. En Arizona, un jeune couple est mort dans une fusillade avec des chasseurs de primes s'étant trompé de domicile. Dans le Missouri, un immigré soudanais innocent a été tué alors qu'il tentait d'échapper à un chasseur de primes qui l'avait pris pour un fugitif. Les incidents de terrorisme, de détentions et de passages à tabac sont nombreux.

Chaque chasseur de primes a son propre style et ses propres tactiques. Ray Meredith, d'Indianapolis dans l'Indiana, a recours à la persuasion par les mots, parlant longuement au téléphone aux fugitifs qu'il recherche ou à leur famille. En cas d'échec, il consacre deux ou trois nuits par semaine à les traquer alors que la ville est endormie. Il abhorre la violence et n'utilise la force que lorsqu'elle est indispensable. Mais à Los Angeles, les méthodes rappellent plutôt le Far West. En effet, les chasseurs de primes ont un profil plus voyou, et sillonnent les rues des quartiers de South-Central, armés jusqu'aux dents de fusils à mire laser ou autres engins à tuer pour lesquels ils n'ont souvent pas de permis. En effet, la Californie autorise le port d'arme sans permis dans le cadre de la poursuite d'un individu en vue de son arrestation. Seuls deux des cinquante états américains ont aboli le statut de chasseur de primes à l'intérieur de leurs frontières. Dans dix états, les chasseurs de prime doivent demander une habilitation ou justifier d'une formation, bien que cette dernière soit, dans le meilleur des cas, rudimentaire et, dans le pire des cas, risible.

Au moment où nous écrivons ces lignes, le Congrès examine un projet de loi sur la responsabilité des chasseurs de primes. S'il est voté, les chasseurs de primes et leurs donneurs d'ordres seront désormais dans l'obligation de répondre de leurs actes.

Dave Yoder

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