Le magazine National Geographic a fait preuve de courage en consacrant 38 pages au Soudan et à ses problèmes, surtout lorsque l’on sait que notre société n’éprouve que lassitude envers l’Afrique. Mais plusieurs raisons importantes expliquent ce reportage. Le Soudan est le plus grand pays d’Afrique. 2,5 millions de personnes ont péri depuis 19 ans que dure la guerre civile, soit le nombre de morts le plus important depuis la deuxième guerre mondiale. Ce pays connaît de graves conflits depuis plus de 40 ans.

Les islamistes au pouvoir, issus de la région nord, kidnappent les citoyens de pays situés plus au sud et les enrôlent dans leur armée afin de conserver la mainmise sur le Sud, riche en ressources pétrolières et hydriques. Les habitants du Nord ne sont que peu touchés par les troubles qu’ils provoquent au sud, où font rage des combats fratricides. Les factions tribales sont manipulées par le gouvernement qui ne veille qu’à ses propres intérêts.
Les rebelles du SPLA (Mouvement de libération du peuple du Soudan) combattent contre le gouvernement et ses intérêts pétroliers, et veut obliger le pays à s’unifier.
Le Sud détient en effet les ressources pétrolières du pays, tandis que le Nord contrôle l’oléoduc, l’accès à l’océan et la navigation.

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Les dissensions dans le pays ont même des répercussions sur la santé des Soudanais. Le Sud-Soudan est l'une des dernières régions du monde à avoir eu accès aux médicaments pour le traitement de certaines des maladies les plus banales. Les Nations-Unies ont présidé à la formation d'une coalition d'organisations humanitaires baptisée "Operation Lifeline Sudan" (OLS). Cependant, étant donné que les dates des vols humanitaires sont fixées par le gouvernement nordiste de Khartoum, les avions de l'OLS ne peuvent atterrir que dans des zones autorisées. Ainsi l'aide constitue elle aussi une arme.

La souffrance du peuple soudanais est énorme, et très peu de médias en parlent. Les longs reportages sont toujours difficiles. Vous quittez votre vie confortable pour l'enfer du voyage, qui comporte en général un épisode où un sosie d'Idi Amin Dada vous ordonne en hurlant de faire passer vos 600 pellicules photo à travers une machine à rayons X des années cinquante de la taille d'un poids lourd. Vous avez l'impression d'atterrir toujours dans le même aéroport du tiers-monde (en pleine nuit), illuminé par les mêmes tubes au néon bringuebalants, clignotant intempestivement, le ballast fatigué des lampes à décharge faisant un bruit plaintif. Généralement, le lendemain matin, plein d'enthousiasme, vous vous mettez au travail.

Mais ma première matinée au Soudan débuta par la lecture de l'éditorial du quotidien local. Titre : "Photographies interdites" "Cher visiteur, vous êtes attiré par le Soudan et sa rare beauté exotique; vous avez envie de déambuler, porté par l'allégresse, le long de l'avenue du Nil; la nature gracieuse, si luxuriante le long du rivage, vous appelle. Votre main pécheresse agrippera peut-être votre appareil photo pour immortaliser le paysage stupéfiant auquel le Nil sert de toile de fond. Mais sachez que ce faisant, vous commettez une action hautement interdite, et que vous vous exposez ainsi ouvertement et de votre plein gré à un interrogatoire judiciaire."

Il ne faut pas oublier que le Soudan est entouré de neuf pays, et qu'à certains moments il a été en guerre avec ses neuf voisins simultanément. Cette situation a donné lieu à un environnement provincial militarisé, dans lequel quiconque possède un appareil photo est considéré comme un espion.

Randy Olson

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