Lauréate du Prix Canon de la Femme photojournaliste 2005

Tous les jours, des centaines de clandestins, pour la plupart venus de pays d’Amérique Centrale, tentent de traverser le Mexique au péril de leur vie pour réaliser leur rêve : avoir une vie meilleure aux Etats-Unis. Ce périple mexicain démarre dans les régions des Chiapas et de Tabasco, à la frontière entre le Mexique et le Guatemala, où les contrôles d’immigration sont minimes, et, la région étant très reculée, les clandestins peuvent passer la frontière facilement. Il n’existe aucun chiffre officiel quant au nombre de personnes qui traversent illégalement la frontière mexicaine; le seul chiffre officiel est celui du nombre de personnes interpellées par les autorités mexicaines et renvoyées chez elles. L’année dernière, 96 013 clandestins ont été appréhendés à la frontière des Chiapas, soit 44,5% du nombre total de clandestins arrêtés au Mexique.

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L’impunité, la corruption et la violence sont partout le long de la frontière et les clandestins doivent s’en accommoder. Ils doivent aussi se garder des autorités militaires, des services de l’immigration et des autorités de police ainsi que des civils qui profitent de leur vulnérabilité pour les escroquer, les voler et les agresser. S’ils réchappent à tout cela, ils doivent affronter un autre danger : celui des bandes armées qui, le long de la frontière, tuent ou violent ceux qu’ils attrapent ; sans parler des nombreux accidents en chemin, qui mettent fin à tout espoir de réaliser un jour ce beau rêve. C’est une des étapes les plus difficiles de cette longue odyssée vers les Etats-Unis. Le harcèlement et l’extorsion sont monnaie courante. Traverser la frontière entraîne des conséquences inévitables et seuls quelques-uns réussissent. Il s’agit de survivre, mourir ou ne plus bouger. La mauvaise foi du gouvernement mexicain, des médias et de la société sur ces questions de migration est surtout flagrante le long de la frontière sud : on insiste pour que les Etats-Unis respectent les droits des clandestins mexicains qui traversent la frontière américaine, mais on ne respecte pas les droits fondamentaux des clandestins d’Amérique Centrale. Officiellement, on ne signale aucun problème à la frontière sud. Mes photographies révèlent le périple et la situation des clandestins dans cette région. Une partie de mon travail sur la frontière est consacrée au train de marchandises qui traverse le Mexique; il n’a d’importance qu’à titre de mode de transport gratuit vers une destination finale : la frontière nord. C’est aussi le moyen d’éviter les points de contrôle de l’immigration. Ce trajet en train de marchandises est difficile et risqué. Certains clandestins s’en tirent sains et saufs, d’autres finissent estropiés suite aux accidents qui surviennent fréquemment. “Borderline” est l’aboutissement de cinq années de travail le long de la frontière sud. Pendant cette période, le nombre de clandestins cherchant à atteindre les Etats-Unis a augmenté et la politique adoptée par le gouvernement mexicain pour faire face à ce phénomène n’a servi qu’à aggraver les trafics, à faire grimper le prix de la corruption et à rendre la traversée du Mexique plus dangereuse, avec à la clef un effet de filtre : seuls les plus forts survivent. Les étrangers clandestins qui tentent de fuir la pauvreté d’Amérique Centrale ne gardent du Mexique que le souvenir de leurs droits fondamentaux sans cesse bafoués par les autorités et de la mentalité xénophobe des habitants frontaliers.

Claudia Guadarrama

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