Bomana, la prison tropicale réinventée
Marc Dozier
pour le Figaro Magazine
Évasions, meurtres, émeutes… Il y a cinq ans, la prison de Bomana en Papouasie-Nouvelle-Guinée était considérée comme « le nid de l’enfer ». Mais avec ses méthodes progressistes, le nouveau commandeur Kiddy Keko est parvenu à ramener la paix et a littéralement réinventé le pénitencier tropical. « Un seau d’urine mélangé à du savon ! Autrefois, c’était le cocktail de bienvenue, se souvient Joe Talara, prisonnier à Bomana depuis 1996. On s’entretuait et nous n’avions qu’un seul objectif : nous enfuir ! » Construite dans les années 1960, la prison de Bomana abrite bon nombre des meurtriers, violeurs, voleurs et membres de gangs – parfois les quatre à la fois – de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Située au nord de l’Australie, la nation du Pacifique obtient, d’après le Crime Index, le deuxième indice de criminalité le plus élevé au monde. Bâtie à dix kilomètres du centre de Port Moresby, la capitale du pays, la prison est divisée en trois unités : le quartier de haute sécurité, le quartier de sécurité minimum et la section réservée aux femmes. Au total, l’établissement abrite plus de 700 détenus répartis en deux catégories : les condamnés portant un uniforme bleu foncé, et les prisonniers en préventive à la tunique bleu clair.
Preview
Il y a cinq ans, insurrections, meurtres et évasions collectives étaient la norme. Mais c’est un passé révolu… L’artisan de cette transformation ? Le directeur du pénitencier, Kiddy Keko, qui a fait une promesse aux prisonniers dès son arrivée en 2013 : « Comportez-vous bien et vous aurez plus de liberté ! » Avec le soutien du gouvernement, il a ouvert les portes aux bonnes volontés souhaitant leur offrir des activités sportives, leur apprendre à lire – près de 63 % des Papous adultes sont analphabètes – ou leur enseigner un métier. « J’ai cherché à rétablir la confiance entre gardiens et prisonniers », explique-t-il. Sous sa direction, les deux camps éternellement ennemis ont même signé… un accord de paix ! Et pour enterrer la hache de guerre, les deux parties ont échangé – comme le veut la coutume papoue – des poulets, un cochon et de la canne à sucre. Puis, à l’image de Vercingétorix rendant les armes face à César, les prisonniers ont déposé aux pieds du commandeur les pinces coupantes et les couteaux cachés dans les cellules. Aujourd’hui, si les conditions de vie restent difficiles, les cours de yoga et d’acrobaties, les concerts, la diffusion de matchs de rugby et les programmes d’alphabétisation ont rendu la vie des prisonniers plus facile. Malgré le manque de moyens, les cours de menuiserie, de plomberie et les projets agropastoraux portent leurs fruits. Certains détenus ont même été autorisés à sortir en ville. Chaque dimanche, les heureux élus participent avec le gouverneur de Port Moresby au « Walk and Yoga for Life PNG », une grande marche organisée contre la violence. Autrefois tristement célèbre, la prison fête à présent un nouveau record : depuis cinq ans, elle ne déplore plus une seule évasion !
Jules Prevost & Marc Dozier