Depuis le coup d’État du 19 septembre 2006, il s’est opéré en Thaïlande un changement radical. Le peuple s’est divisé en différents groupes ayant chacun leur propre opinion politique et représentés par toute une palette de couleurs allant du jaune au rouge en passant par le multicolore. Le coup d’État a déclenché un grand nombre d’incidents violents, dont la prise de l’aéroport et du siège du gouvernement, « Government House », par les « chemises jaunes ». Les « chemises rouges », quant à elles, occupaient le centre de Bangkok. Ces heurts ont entraîné la mort de citoyens, nui à l’économie et terni l’image du pays. La plus récente manifestation de « chemises rouges » a duré deux mois, du 14 mars au 19 mai, et a entraîné les plus grosses pertes humaines que la Thaïlande ait connues. Environ 90 personnes ont été tuées et plus de 1 900 blessées.

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La Thaïlande, longtemps appelée le pays du sourire, s’est transformée, pendant deux mois, en pays des massacres. Jamais je n’aurais imaginé porter un gilet pare-balles et un casque en acier pour photographier des actes de violence se déroulant dans mon propre pays. Il m’est également difficile de croire que certains de mes amis photographes ont été touchés par balle, et que certains photographes étrangers ont été tués ou grièvement blessés. Qu’est devenu le pays pacifique que je connaissais ?

L’après-midi du 19 mai restera à jamais ancré dans ma mémoire. Je me trouvais à Sarasin Junction à Bangkok, à proximité d’un groupe de soldats, et me suis assis derrière un grand arbre. Cinq minutes plus tard, une grenade a explosé à quelques mètres de nous. J’ai vu un journaliste canadien et quatre soldats couverts de sang. Je suis immédiatement parti chercher de l’aide auprès d’autres soldats et journalistes qui se trouvaient non loin de là et qui n’avaient pas vu que nous avions été la cible de tirs de grenade. Dès que j’ai pu, j’ai transporté un des soldats en lieu sûr. Après, je me suis mis à pleurer sans pouvoir m’arrêter. C’était la première fois que je pleurais depuis le début de ces deux mois. Je pleurais de tristesse en pensant à tous ces blessés, à tous ces morts. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que j’avais échappé à la mort. L’arbre m’avait sauvé la vie.

Je ne veux plus voir de morts ni de blessés ; peu importe leur origine, leurs croyances, qu’ils s’agissent de « chemises rouges », de soldats ou de policiers. Nous sommes tous Thaïlandais. Une chose est sûre : il y aura un vainqueur mais la Thaïlande, elle, aura perdu.

Athit Perawongmetha

Athit Perawongmetha

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