Le 11 septembre 2001, Abbas assiste en direct à la télévision de Sibérie à la tragédie qui a lieu à treize fuseaux horaires de là ! Un an plus tard, devant l’immense croix érigée sur les ruines, il se demande si une forme d’intolérance religieuse n’en nourrit pas une autre. Il entreprend alors un projet de sept ans dans le monde islamique qui aboutit à son livre « Au Nom de Qui ? » dont cette exposition décrit la genèse.

Poussé par le désir de comprendre comment la Oumma, la communauté des croyants musulmans, permet au djihadisme de se développer en son sein, il voyage à travers seize pays. De Jakarta à Istanbul, de Zanzibar à Bagdad en passant par Sanaa et Jérusalem, sa quête est la même : s’ils perdent beaucoup de batailles contre les États qui les pourchassent désormais sans pitié, les djihadistes ne sont-ils pas en train de gagner la guerre des esprits avec « l’islamisation rampante » de toute la société ?

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11 Septembre 2001, Kyzyl, Sibérie.

Collé à l’écran comme, sans doute, des millions de gens à travers le monde, je devine d’emblée que cet attentat est perpétré par des islamistes. Quel autre groupe terroriste peut-il concevoir, planifier et exécuter une action aussi sophistiquée ?

Quelle sera la réaction des musulmans « modérés » de la ooumma, la communauté des croyants. Vont-ils encore une fois prétendre que ces terroristes ne sont pas de vrais musulmans ? C’est ainsi qu’ils avaient agi quand l’idéologie islamiste était proposé comme modèle dans leurs propres sociétés et souvent imposé par la violence. Pendant combien de temps les musulmans seront-ils encore otages, parfois de leur plein gré, de la rhétorique des islamistes ? Ne partagent-ils pas les valeurs issues du Coran, un livre que tout musulman considère sacré car il a été « révélé » par Dieu ?

L’islamisme ne se nourrit-il pas d’islam ?

Trois jours plus tard, à la sortie de la prière du Vendredi d’une mosquée londonienne, la télévision de la BBC interroge quelques fidèles sur les événements du 11 Septembre. Un jeune britannique, visiblement d’origine pakistanaise, lance, en se référant aux 19 terroristes kamikazes : « C’est ainsi que tout musulman doit mourir ! ». Il s’enfuit, sans doute effrayé par sa propre audace. Ce nihilisme m’interpelle : pourquoi un jeune homme qui a été éduqué dans les valeurs de rationalité et de démocratie – son accent n’est pas celui d’un immigrant récent – souhaite-t-il l’anéantissement de ces valeurs, symbolisées par les deux tours de New York ?

20 Septembre 2002, New York.

Un profond cayon a remplacé les deux tours géantes. Je découvre une immense croix faite de deux poutres de métal arrachées aux décombres et soudées ensemble. Elle m’interpelle très fort cette croix géante : en l’érigeant comme un défi à la terreur des islamistes, les ouvriers du chantier ont senti intuitivement que ce n’est pas seulement leur pays qui est attaqué, mais bien leur religion, leur culture et même leur civilisation qui sont agressées.

Un fanatisme religieux risque-t-il d’en réveiller d'autres ?

Je me demande si je ne devrais pas abandonner mon travail sur le paganisme, pour une recherche plus urgente : comment la religion devient de plus en plus importante dans l’identité des peuples et des nations. Même s'ils sont d’ordre tribal, nationaliste, économique ou idéologique, les conflits planétaires, ne sont-ils pas de plus en plus perçus en termes religieux ?

Ce jour là…

Abbas

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