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Édito : Peut-on trop couvrir un conflit ?

par Jean François Leroy

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L’impertinence de la question ne devrait surtout pas empêcher qu’on se la pose. Cette année à Visa pour l’Image, nous présentons trois expositions sur la bataille de Mossoul : Laurent Van der Stockt pour Le Monde, Alvaro Canovas pour Paris Match et Lorenzo Meloni pour Magnum Photos – cette dernière traitant plus largement de la chute du califat de Daech. Évidemment, la brutalité inédite des affrontements conjuguée aux cruciaux enjeux géopolitiques qu’ils impliquent mérite que l’on s’y arrête, et même s’y attarde. Trois expositions donc… sur 25. Et pour cause : « Tout a déjà été dit cent fois, mais comme personne n’écoute, il faut toujours répéter », disait Gide.

Mais parce qu’à Visa pour l’Image, c’est le monde dans sa globalité que nous souhaitons montrer, nous nous posons cette question : pourquoi, sur la trentaine de conflits armés recensés cette année à travers la planète, seule une poignée d’entre eux retiennent l’attention d’une grande majorité des photojournalistes ? Sur les très nombreux sujets reçus ces derniers mois par nos équipes, plusieurs dizaines concernent Mossoul. Et, une première dans l’histoire du festival : les quatre nommés au Visa d’or Paris Match News traitent du même sujet : Mossoul.

Et Raqqa ? Et les guerres civiles insidieuses et invisibles qui ravagent l’Afrique (Mali, Burundi, Congo, Somalie, Soudan du Sud, Éthiopie, Égypte, Libye…) ? Et la lutte contre les narcos au Mexique (deuxième conflit le plus meurtrier en 2016) ?… Et si c’est de Daech que l’on veut parler, quid de sa percée aux Philippines ? Il y a quelques semaines, un photographe revenant de Mossoul s’offusquait de n’avoir pu vendre ses photos à un seul journal et décidait alors de les diffuser gratuitement en ligne. Si la sottise de ce choix ne mérite aucun commentaire, cela soulève néanmoins une question de fond : les directeurs photo n’ont-ils pas vu trop de sujets sur Mossoul ?

L’un des géants de la profession, Don McCullin, le martelait lors d’une conférence à Perpignan il y a quelques années : « Avant d’aller couvrir la guerre, couvrez la pauvreté en bas de chez vous. » Il l’a dit. Cent fois, peut-être. Mais comme personne n’écoute, on le répète.

*Jean-François Leroy
Le 10 juillet 2017 *