Depuis la partition sanglante du sous-continent indien décidée à la hâte en 1947, le Cachemire est devenu l’une des régions les plus militarisées au monde et le théâtre de multiples guerres entre l’Inde, à majorité hindoue, et le Pakistan, à majorité musulmane. Deux puissances nucléaires, pour le contrôle d’un territoire au cœur d’un nœud géopolitique et montagneux. Ce conflit compte parmi les plus anciens litiges gérés par les Nations unies. Le territoire contesté est divisé en trois régions : le Jammu-et-Cachemire administré par l’Inde, l’Azad Cachemire et le Gilgit-Baltistan administrés par le Pakistan.

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Dès 1948, les Cachemiris devaient se prononcer pour le rattachement à l’Inde ou au Pakistan par le biais d’un référendum qui n’a jamais eu lieu. À la fin des années 1980, à la suite d’élections faussées par New Delhi, la vallée du Cachemire plonge dans une lutte armée soutenue par le Pakistan. La loi AFSPA (Armed Special Power Act) adoptée par l’Inde confère à ses forces armées des pouvoirs spéciaux. Les 600 000 soldats qu’elle a déployés dans la région sont considérés par les Cachemiris comme une force occupante, notamment responsable de la mort de plus de 70 000 civils et de la disparition de 8 000 personnes. La violence devient pour des jeunes de plus en plus nombreux le seul levier potentiel, face à un État indien qui multiplie les violations des droits humains.
Dans les villages disséminés le long de la Ligne de contrôle, frontière non reconnue qui traverse l’Himalaya sur 740 km, la partition n’est pas un détail cartographique. Elle sépare des familles, blesse et tue des civils. La réalité ici est celle d’un conflit en altitude, où fusent les tirs d’artillerie des deux armées.
En 2019, le Premier ministre indien Narendra Modi opère un coup de force historique en révoquant la semi-autonomie du Jammu-et-Cachemire ; avec la nouvelle possibilité d’un peuplement hindou du territoire, il ouvre la voie à un changement démographique.
Outre son caractère territorial, l’enjeu est stratégique, et vital. Le Traité du fleuve Indus, qui garantit un partage des eaux, est aujourd’hui à nouveau menacé par l’Inde. Ce fleuve traverse notamment le Gilgit-Baltistan, territoire mosaïque de peuples montagnards revendiquant leur identité propre. Mue par des velléités économiques, la Chine contrôle elle aussi une partie du Cachemire avec l’Aksai Chin et finance au Gilgit-Baltistan la reconstruction de la Karakoram Highway, inscrite dans son programme des nouvelles routes de la soie et du Corridor économique Chine-Pakistan (CPEC).
Après quelques années de calme relatif, les tensions ont été ravivées en avril 2025 par une attaque meurtrière à Pahalgam, au Cachemire administré par l’Inde. New Delhi a aussitôt accusé Islamabad, qui a réfuté et demandé une enquête indépendante. Deux semaines plus tard, l’Inde lançait des frappes de missiles sur des cibles au Pakistan et au Cachemire sous administration pakistanaise.
Au cœur de ce conflit insoluble, ancré dans un Orient fantasmé et lointain, une population éprouvée et tiraillée attend depuis bientôt huit décennies qu’un plébiscite soit mis en œuvre pour déterminer le statut final de son territoire, et par là même le devenir de son existence.

Cédric Gerbehaye

Avec le soutien de National Geographic Magazine et National Geographic Society. Remerciements à Patrick Codomier, Jamie Wellford et Cyril Drouhet.

Cédric Gerbehaye

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