Début 2006, trois ans après le commencement de la guerre en Irak, aucune arme de destruction massive n’avait encore été trouvée. On entendait parler d’actes de torture autorisés par la hiérarchie militaire. Les blessés et les morts se comptaient par dizaines de milliers. Plus de deux mille militaires américains avaient perdu la vie au combat et le nombre de suicides augmentait. Sans oublier le scandale autour des agences de sécurité privées en Irak et la détérioration des hôpitaux militaires américains…

Pendant ce temps-là, les médias se contentaient d’un débat indifférent autour des questions de droit liées aux attaques et de l’impact de la guerre sur l’image des États-Unis, sur la cote de popularité du président Bush ou encore sur le « trésor » américain. Et moi, photojournaliste vétéran, comment avais-je réagi ? En cultivant une certaine réprobation, quelque peu hypocrite, envers le silence des autres. Puis, un jour d’été, après être allé photographier une manifestation contre la guerre en compagnie de mon fils, j’ai écrit ce semblant de poème, sans prétention aucune.

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La guerre, c’est une expérience personnelle. Je le dis en pensant à mon fils Sam, dix-sept ans. Ce que nous avons, ce que nous pouvons perdre, La guerre nous le rappelle. La guerre, preuve tangible de nos échecs.

Peu après, j’entamais une série de quinze essais (photographies et textes) sur des Américains dont la vie avait été profondément bouleversée par la guerre en Irak. J’ai commencé par aller à Kansas City dans le Missouri, où j’ai fait la connaissance de Tomas Young, 26 ans, paralysé à la suite d’une blessure par balle quatre jours après le début de son service en Irak. Je me suis ensuite rendu à Roslindale dans le Massachusetts chez Carlos Arredondo, dont le fils était mort au combat. Puis mes pas m’ont mené à Mount Vernon dans l’Ohio, où j’ai rencontré Mona Parsons qui, avec l’aide de certains membres de sa famille, tentait de convaincre son fils Jeremy de ne pas retourner en Irak. J’ai assisté aux obsèques du sergent Princess Samuels dans une banlieue du Maryland. Après une semaine passée au Veterans Administration Hospital dans le Massachusetts avec Nelida Bagley qui luttait pour maintenir en vie son fils atteint de graves lésions cérébrales, je suis parti interviewer et photographier Mike Harmon, ancien médecin militaire qui, depuis son retour à Brooklyn, était victime de cauchemars et de crises d’angoisse. Ensuite, je suis allé dans une petite ville du Minnesota où habitait Clarissa Russell, dont le petit ami, un marine, s’était suicidé, miné par un sentiment de culpabilité envers les morts civils. J’ai rencontré Kimberly Rivera, militaire du Texas, qui, peu après le début de sa permission, avait fui au Canada avec son mari et leurs jeunes enfants. Enfin, j’ai passé quelques jours dans la section 60 du cimetière national d’Arlington, où sont enterrés de nombreux soldats morts en Irak.

Ces quinze histoires sauront, je l’espère, contribuer au dialogue autour de la guerre en Irak et de ses terribles séquelles.

Eugene Richards

Exposition soutenue par Paris Match

Eugene Richards

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