Derrière sa richesse minérale, la beauté époustouflante de ses paysages et sa chaîne de volcans encore actifs, la région orientale du Congo cache une réalité bien plus sombre : la souffrance y est quotidienne. Début octobre, des positions gouvernementales ont été la cible d’attaques de la faction rebelle tutsie dirigée par le général Laurent Nkunda. Face à la lente avancée des forces rebelles sur la capitale provinciale Goma, quelque 250 000 civils ont été forcés de fuir leur foyer ou camp de réfugiés. Si le chaos règne du côté du gouvernement et que des militaires mal équipés pillent, violent et tuent, les rebelles ne sont pas en reste : les forces de « libération » tutsies ont massacré 150 civils dans des zones à majorité hutue. La route principale du Nord-Kivu, jonchée de corps de militaires gouvernementaux, ne semblait pas mener ailleurs qu’à la mort.

La République démocratique du Congo, dont la superficie avoisine celle de l’Europe, a été durement frappée par une guerre civile entre 1998 et 2003. Plusieurs millions de personnes, principalement des civils, y ont trouvé la mort. Dans le cadre du processus de paix, de nombreuses milices et factions rebelles ont été intégrées dans l’armée régulière. Seuls les rebelles du général Nkunda font exception et poursuivent leur lutte lancée contre le gouvernement en 2004. Or, l’armée congolaise n’est pas en mesure d’agir efficacement contre la présence armée de Nkunda dans l’est du pays. En effet, devant les salaires trop faibles, le manque de motivation et la peur, seuls l’alcool et la drogue poussent la plupart des militaires à se battre et ce mélange délétère a fait de cette guerre une aberration.

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Fin 2008, l’escalade de la violence a rendu la crise humanitaire et politique inévitable. La faculté des Nations Unies à remplir son mandat de maintien de la paix et de protection des civils a été remise en question lorsque les forces rebelles semblaient en mesure de prendre le contrôle de Goma, une position géographique clé dans la région. Un contingent de 17 000 casques bleus est certes présent en RDC, mais la plupart d’entre eux restent cantonnés dans leur base sans tenter d’empêcher les atrocités perpétrées sous leurs yeux. « Que se passe-t-il dehors ? » s’est même exclamé un officier.

L’objectif affiché de Nkunda a toujours été de se frayer un chemin jusqu’à Kinshasa, la capitale de la RDC, afin d’assurer la protection du peuple tutsi pris pour cible par des milices pro-gouvernementales hutues. Le Rwanda a mis de l’huile sur le feu en accusant le gouvernement congolais d’avoir soutenu les milices hutues responsables du génocide de 1994. Le Rwanda nie toute implication dans l’avancée rebelle du mois d’octobre, mais les moyens utilisés (l’artillerie et les obus explosant au-dessus des militaires congolais tentant de recharger leurs lance-roquettes) suggèrent le contraire.

Il semblait impossible que Nkunda puisse réellement prendre d’assaut la capitale, mais l’idée même de cette menace, si lointaine soit-elle, a suffi à déstabiliser encore davantage le pays. Une fois n’est pas coutume, ce sont les civils, et cette fois par milliers, qui subissent les conséquences de décisions prises par une minorité. « Dans un combat d’éléphants, c’est l’herbe qui souffre », dit l’adage, et en RDC ce ne sont ni les mastodontes ni l’herbe qui manquent. Pour les 250 000 personnes qui ont dû fuir Kibati pour rejoindre Goma, la vie n’est guère plus aujourd’hui qu’un voyage au bout de la peur, à travers le bruit des explosions et des coups de feu qui résonnent sur « la route vers nulle part ».

Dominic Nahr

Dominic Nahr

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