A peine sorti de l’adolescence Raed Bawayah, qui fête ses 36 ans, semble avoir acquis la maîtrise des plus grands. Né dans un village, celui de Qutanna, à quelques encablures de Ramallah, ce jeune homme a fait de ce village-même l’objet de son étude, un manifeste tant politique que social. Il y décrit l’état d’enfermement physique des enfants qui n’osent dépasser la cour familiale où se retrouvent parfois la chèvre, le lapin blanc, et la mère de famille attentive et protectrice ; parfois, l’espace de quelques instants, ils s’aventurent au-delà et font de l’olivier ou des cyprès leur terrain de jeux, dans un espace très, voire trop, restreint.

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La même problématique est ainsi développée dans le sujet sur les travailleurs palestiniens que la dureté des conflits et la situation économique contraignent à s’exiler en Israël pour vendre leur force de travail ; ils se retrouvent ainsi dans leurs moments de repos ou de pseudo solitude assemblés dans des espaces exigus souvent indignes quant aux conditions d’existence. Enfin le corpus le plus émouvant - on y retrouve sans doute le Depardon de San Clemente - concerne la description pudiquement intitulée « hôpital » et qui concerne les internés de l’hôpital psychiatrique, d’où émane un sentiment quasi métaphysique. Nulle défaillance matérielle dans cet univers clos, mais la perception évidente d’une solitude et d’une misère psychologique qui reflètent l’enfermement moral de ce peuple en quelque sorte prisonnier sur sa propre terre. Avec une grande délicatesse et une pudeur évidentes, Raed Bawayah dépeint ce quotidien qui lui est si proche, et pourtant qu’il dénonce tout en le chérissant.

Agnès de Gouvion Saint-Cyr

Raed Bawayah

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