Ebola, Covid-19, SRAS, variole du singe et autres maladies zoonotiques surviennent lorsqu’un agent pathogène passe d’un animal sauvage à l’homme et peuvent se transformer en épidémie ou en pandémie. Des millions de personnes à travers le monde consomment de la viande de brousse, qui est une importante source d’alimentation pour de nombreuses communautés rurales. Cette viande est souvent perçue comme plus saine, et de solides croyances culturelles viennent renforcer cette idée.

La viande de brousse pouvant atteindre des prix élevés, elle est souvent vendue par les chasseurs eux-mêmes, mais rarement consommée là où elle a été chassée. Après cette première vente, la viande est transportée vers les villes les plus proches où sa valeur peut tripler. Il existe par ailleurs un marché international, principalement à destination de la diaspora africaine en Europe, ainsi qu’un important marché en Asie. Le trafic d’animaux sauvages à destination des villes pour répondre à une demande non essentielle constitue une menace majeure pour de nombreuses espèces animales. À mesure que les populations urbaines augmentent, la demande des consommateurs en viande de brousse augmente, exerçant une pression toujours plus grande sur la faune.

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Ce commerce est particulièrement intense dans le bassin du Congo. Kinshasa, en République démocratique du Congo, et Brazzaville, en république du Congo, sont deux capitales séparées uniquement par le fleuve Congo. Réunies, elles forment la troisième agglomération urbaine d’Afrique avec une population totale de 15 millions d’habitants, et d’ici 2050, Kinshasa sera sans doute la quatrième mégalopole du monde. Selon une étude menée par la Wildlife Conservation Society, on estime que plus de 33 000 tonnes de viande de brousse sont vendues chaque année à Kinshasa, faisant de cette ville le centre névralgique de ce commerce mondial. Si d’autres sources de protéines animales telles que le bœuf et le poulet sont largement disponibles dans ces villes, manger de la viande de brousse revêt une importance sociale et culturelle, et elle est ainsi davantage consommée comme un mets de luxe que pour répondre à des besoins nutritionnels.

Ce commerce favorisant l’importation de nouveaux agents pathogènes dans les villes densément peuplées, cela augmente le risque de maladies zoonotiques. Dans le cas des chauves-souris frugivores (ou roussettes) montrées dans ce reportage, des épidémiologistes étudiant des colonies de ces mêmes chauves-souris ont constaté que jusqu’à 33 % d’entre elles sont positives au virus Ebola ou à d’autres fièvres hémorragiques virales. Le constat est simple : la faune sauvage disparaît des zones naturelles et la situation n’est pas viable à long terme. Des alternatives doivent être trouvées, dont certaines sont présentées dans ce reportage : la pêche durable, l’élevage de larves de charançon, ou encore la nouvelle technologie révolutionnaire de « viande in vitro » cultivée entièrement en laboratoire. Cette production devrait être prochainement autorisée aux États-Unis et en Chine.

Brent Stirton

Une grande partie de ce reportage est le fruit d’une collaboration avec le Programme de gestion durable de la faune sauvage de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture).

Brent Stirton

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