Lauréat·e : Visa d'or de la Ville de Perpignan Rémi Ochlik 2021

Je m’appelle Fatima Shbair, je suis née en 1997 à Gaza. Après avoir étudié l’administration des affaires pendant trois ans à l’université Al-Azhar au Caire, je me suis orientée vers des études de journalisme. Puis en 2019, j’ai commencé le photoreportage en travaillant sur le terrain pour couvrir l’escalade des violences des forces israéliennes contre la ville de Gaza.

Comme il n’existe pas d’école de photojournalisme à Gaza, entre 2013 et 2017 j’ai appris uniquement par l’expérience. J’ai fait ce parcours parce que je vis dans une zone de conflit et que je veux faire passer un message au reste du monde. Je souhaitais devenir un jour la personne qui tient l’appareil et transmet les images. J’ai travaillé avec acharnement et je crois que j’y ai réussi en partie. Mais en tant que femme photojournaliste, j’ai rencontré de nombreuses difficultés face à la mentalité conservatrice de la société à Gaza.

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La guerre de Gaza de 2021 a été l’expérience la plus difficile. C’était la première guerre que je couvrais pendant aussi longtemps : onze jours sans interruption, tout en m’inquiétant pour ma famille dans le nord. Je devais trouver un équilibre entre mon travail et ma famille, puis j’ai compris que je devais me concentrer sur la situation à Gaza. La guerre m’a apporté plus d’expérience et m’a permis d’acquérir une sensibilité du terrain. Chaque jour, j’ai conscience de la valeur d’un appareil photo, un appareil capable de retranscrire les détails d’une ville où quelque deux millions de personnes vivent dans une prison à ciel ouvert depuis l’embargo de Gaza en 2006.

La ville a été coupée du monde avec le poste-frontière d’Erez au nord et celui de Rafah au sud, et il faut un miracle pour arriver à les passer. Avec seulement quatre à six heures d’électricité par jour, même les choses les plus simples deviennent compliquées. La mer est la seule distraction pour les habitants, offrant un refuge à tout moment, mais même elle est menacée par une grave pollution. Ici, personne n’ose rêver d’avenir, et les rêves au jour le jour peuvent très vite tourner au cauchemar avec les bombardements israéliens.

Face à la guerre, on se prépare à toutes les éventualités : mourir, vivre sans sa famille, tout perdre et recommencer à zéro. La guerre, ce n’est pas seulement les missiles et la destruction : des dizaines de personnes meurent chaque jour simplement parce qu’elles ne peuvent pas quitter Gaza pour se faire soigner ; des agriculteurs et des habitants sont régulièrement pris pour cibles le long de la frontière israélienne. Les gens endurent toutes sortes de choses, mais même s’ils sont perdus ou déçus, et quelles que soient les difficultés qu’ils rencontrent, ils tiennent bon, coûte que coûte, comme s’ils pouvaient apercevoir une lueur au bout du tunnel, malgré tout. Entrevoir un petit coin rempli de vie et de paix, avec la vie qui continue.

Fatima Shbair

Fatima Shbair

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