Un petit coin : défécation en plein air et assainissement
Andrea Bruce
NOOR Images pour National Geographic Magazine
La défécation en plein air est une pratique aussi vieille que l’histoire de l’humanité. Tant que la densité démographique était faible et que la terre pouvait absorber les déjections humaines, la situation était tolérable. Mais avec la croissance des populations urbaines, on s’est rendu compte du lien entre l’hygiène et la santé, et notamment de l’importance d’éviter le contact avec les excréments.
Aujourd’hui, près de 950 millions de personnes défèquent encore en plein air, dont 569 millions en Inde où il est facile de constater ce fléau quand on marche le long des voies ferrées et des routes de campagne.
L’eau insalubre et l’absence d’assainissement provoquent des maladies qui tuent 1,4 million d’enfants par an, plus que la rougeole, le paludisme et le sida réunis. En 2015, l’Organisation des Nations unies a appelé à mettre fin à la défécation en plein air d’ici 2030 (Objectif de développement durable numéro 6), et il est en effet possible de faire des progrès considérables.
De tels progrès permettraient en outre de réduire la pauvreté et la faim, ainsi que d’améliorer l’éducation puisque les enfants malades manquent l’école, et les filles qui ont leurs règles refusent d’y aller sans installations sanitaires correctes.
L’Inde s’est attaquée à ce problème avant même son indépendance en 1947. « L’hygiène publique est plus importante que l’indépendance », avait déclaré le Mahatma Gandhi, exhortant ses compatriotes à apprendre la propreté. Dans une certaine mesure, ils l’ont écouté : le pourcentage d’Indiens qui font en plein air a considérablement diminué ces dernières décennies.
Mais avec la forte croissance démographique, le dernier recensement montre qu’une majorité d’Indiens vivent aujourd’hui dans des zones où la population est plus exposée qu’auparavant aux déjections humaines.
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L’eau insalubre et l’absence d’assainissement sont de véritables fléaux en Inde : chaque année, 300 000 enfants meurent de maladies diarrhéiques et des millions de personnes souffrent de maladies chroniques de l’intestin qui affectent l’assimilation des aliments et des médicaments. Le cycle infernal ne s’arrête pas là : les femmes dénutries donnent naissance à des nourrissons plus vulnérables aux infections, moins protégés par la vaccination, et plus susceptibles d’avoir un retard de croissance. En 2016, près de 40 % des enfants indiens de moins de cinq ans souffraient d’un retard de croissance. En Haïti, le nombre de morts dus à la combinaison catastrophes naturelles, défécation en plein air et choléra est très élevé. Après le tremblement de terre de 2010 et l’ouragan Matthew en 2016, les rivières ont été contaminées par les matières fécales humaines, propageant le choléra dans des zones difficiles d’accès pour les professionnels de la santé. Plus de la moitié de la population d’Haïti ne dispose d’aucun endroit privé et hygiénique pour déféquer. Les installations sanitaires adéquates sont rares, même dans la capitale de Port-au-Prince. Exilien Cenat est l’un des héros méconnus qui œuvrent pour l’assainissement. Il est « bayakou », un ouvrier qui vide les toilettes sèches, travaillant la nuit pour éviter les moqueries et souvent obligé de retirer ses vêtements pour les épargner. Il ramasse à la main les déchets dans un seau, les rassemble dans des sacs qu’il va jeter ensuite dans des fossés ou des canaux. Installer des égouts serait plus hygiénique mais c’est tout simplement trop cher. Des solutions alternatives existent, telles que les toilettes à compostage proposées par l’ONG SOIL : chaque semaine, des matières compostables sont livrées et les seaux pleins sont récupérés. Le mélange d’excréments et de compost est ensuite transformé en engrais pour les agriculteurs locaux. Mais il ne s’agit pour le moment que d’une opération à petite échelle.
Andrea Bruce
Exposition coproduite par Veolia