Prix FUJIFILM du Jeune Reporter 2004

Des attentats ciblés aux meurtres impunis, du scandale de la prison d’Abu Ghraib aux difficiles premiers pas de l’autorité irakienne, depuis la chute de Bagdad en avril 2003, la situation n’a cessé de se dégrader. Dix mois de reportage au coté des irakiens nous montrent à quel point il est difficile pour une grande puissance de mener une guerre préventive et d’y implanter “sa démocratie”.

Les erreurs successives des forces de la Coalition menées par les Etats-Unis sur le terrain et l’absence d’une stratégie claire pour l’après-guerre en Irak ont déstabilisé toutes les composantes de la société irakienne. Les introuvables armes de destructions massives ou autres preuves de la menace immédiate de l’Irak pour l’occident, raisons de l’engagement de la guerre par la Coalition, la reconstruction des infrastructures trop lentes et l’instabilité croissante ont amené les irakiens à voir la présence des troupes étrangères sur leur sol non plus comme une armée de libération mais comme une force d’occupation, qu’il faut dès lors combattre.

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Aucun signe de stabilisation n'est visible, bien au contraire, les différents groupes se radicalisent et ne laissent entrevoir aucune pacification, la situation sécuritaire est au plus bas. Le pays, morcelé ethniquement et religieusement du nord au sud et d'est en ouest n'a jamais été aussi instable. Outre les milices tribales, les différents partis politiques et religieux ont mis en place leur propre force armée. La crainte de l'autre n'a jamais été aussi grande et menaçante.

Alors être journaliste en Irak et vouloir témoigner des évènements qui s'y déroulent est devenu très périlleux. Les déplacements entre les villes de Najaf, Kufa, Kerbala, Fallujah, Samara, Ramadi sont devenus presque impossibles sans prendre de sérieux risques. Menaces et exécutions sont devenues communes à l'encontre des fixers irakiens qui essaient autant qu'ils le peuvent d'aider les correspondants occidentaux à couvrir les tensions et à se rendre sur le terrain. Le soulèvement chi’ite mené par Moqtada Al Sadr à Najaf et à Kufa ainsi que l'insurrection sunnite dans la ville de Fallujah, ouvrèrent deux fronts simultanement auxquels ont dû faire face les forces de la Coalition au mois d'avril dernier, la situation fut d'autant plus explosive que l'occupation américaine est aujourd'hui plus brutale qu'aux premiers mois avec pour unique résultat sensible, l'union des irakiens derrière le drapeau américain … en feu.
L'Irak est plongé dans le chaos.

Quelque chose y a changé depuis la chute de l'ancien regime, la peur qui était savamment entretenue par Saddam et qui lui permettait de se maintenir au pouvoir a disparue, seulement remplacée par la crainte des prises d'otages, d'attentats, de balles perdues ou de représailles. Les grands murs de béton gris entourant les hôtels ou les ministères, les fils barbelés barrant les entrées de lieux sensibles, les routes bloquées, détruites ou déviées ainsi que les sacs de sable sont les derniers changements visibles dans la capitale. La peur rythme le quotidien de la population, l'Irak est devenu parano.

Karim Ben Khelifa

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