La maladie mentale peut se soigner et se guérir.

De janvier 2011 à novembre 2012, j’ai photographié des malades dans des institutions, foyers, écoles et hôpitaux en Indonésie. La plupart d’entre eux ne recevaient aucun traitement, pendant que d’autres étaient soignés avec des médicaments périmés ou inappropriés. Beaucoup n’avaient jamais été examinés par un psychiatre, ni même diagnostiqués comme étant atteints d’une maladie mentale, de stress aigu ou d’une maladie physique qui auraient pu expliquer leurs symptômes et leurs comportements.

En 2010, une initiative a été lancée dans le but d’éradiquer d’ici 2014 la pratique du pasung (enchaînement des malades), mais le gouvernement avoue aujourd’hui que cet objectif ne sera pas atteint. Les rares programmes régionaux efficaces manquent de fonds. À cela s’ajoutent de nombreux problèmes : l’accès aux soins, le coût du traitement, le manque d’informations de base mises à la disposition du public. Les élus locaux et régionaux reconnaissent que les structures d’accueil privées et homologuées sont nécessaires, bien que le service qu’elles proposent aujourd’hui soit inadéquat.

Selon les différents chiffres publiés par le gouvernement, l’Indonésie compterait entre 600 et 800 psychiatres, dont la moitié exercent sur l’île de Java, et un quart plus précisément dans la ville de Jakarta, la capitale. Certains psychiatres n’établissent qu’un seul diagnostic et une seule prescription. Il faut parfois attendre des mois pour obtenir certains médicaments sur ordonnance.

Le manque d’observance de la part des patients et l’absence de soutien familial contribuent aussi à l’échec des traitements.

reese_indonesia_027.jpg
reese_indonesia_031.jpg
reese_indonesia_033.jpg
reese_indonesia_007.jpg
reese_indonesia_002.jpg
reese_indonesia_004.jpg

Le mot indonésien pasung, qui peut se traduire par « contrainte physique », désigne ici l’enchaînement des malades ainsi que leur confinement, que ce soit dans une pièce, une cahute ou un enclos pour animaux. Malgré son interdiction en 1977, le pasung reste une pratique traditionnelle très répandue.

Les familles y ont recours pour différentes raisons : manque de moyens pour se payer les soins, peur des médicaments, volonté d’échapper aux préjugés entourant la maladie mentale, ou encore pour protéger les membres de la famille ou de la communauté.

En Indonésie, le premier choix en matière de traitement des maladies mentales reste le chaman, ou autre guérisseur traditionnel. Pour les Indonésiens, il est préférable (notamment sur le plan financier) d’attribuer tout comportement anormal à une faiblesse spirituelle, un sort ou une possession par des esprits.

Aujourd’hui, les principaux experts de la prise en charge des troubles mentaux en Indonésie commencent à reconnaître qu’il est nécessaire, pour des raisons culturelles, de faire appel aux guérisseurs traditionnels et religieux. Des réformes ont été proposées, notamment pour fournir des psychiatres et une formation de base aux structures d’accueil en place, ainsi que des ateliers de formation pour les cliniques régionales, médecins de premier recours, infirmiers et infirmières.

Andrea Star Reese

Andrea Star Reese

portrait_reese.jpg
Andrea Star Reese 2009
Suivre sur
Voir les archives