Lancé en 2007, le projet Dans la pénombre des villes (The Urban Cave) dépeint la résistance et l’humanité des « sans domicile » qui vivent à New York en marge de la société. C’est l’histoire, non pas du dénuement, mais d’un groupe d’individus, de leurs vies. Ces photographies numériques 35 mm sont le fruit du temps que j’ai passé dans la rue avec ces hommes et ces femmes qui, bien que méprisés des autres, m’ont acceptée parmi eux, m’aidant à raconter leur histoire. Parfois, ils m’invitaient tout simplement à les suivre. J’attendais alors plusieurs mois pour que s’installe une certaine spontanéité, une confiance qui me permettait d’aller plus en profondeur. Je ne savais jamais ce qui allait se passer, ni qui j’allais rencontrer.

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Ces images, que j’ai voulues respectueuses, mettent en contraste l’ombre et la lumière. Elles sont le reflet de ce que j’ai ressenti face à la beauté des lieux et des personnes, à la dignité et la détermination des sans-abri. Aujourd’hui, la plupart d’entre eux ont un logement, ou sont sur le point d’en obtenir un, le plus souvent grâce à l’ONG Center for Urban Community Services (Centre pour les services aux communautés urbaines).

Depuis plus de sept ans, Lisa et Chuck vivent ensemble dans le tunnel ferroviaire d’Amtrak. De tous ceux que j’ai rencontrés, Lisa est celle qui a passé le plus de temps dans la rue. « Au bout d’un certain temps, on s’habitue à vivre comme ça », dit-elle. « C’est d’ailleurs ce qui m’inquiète le plus. Comment peut-on finir par accepter une vie pareille ? » Lisa est décidée à partir. Elle ne veut pas mourir dans la rue.

Country gère la « grotte aux chauves-souris », une petite impasse animée de jour comme de nuit par un va-et-vient incessant. Mais les visages changent. Certains partent pour une raison (traitement médical, prison, famille, ou nouveau logement), d’autres non. Beaucoup reviennent. Selon Snow White, c’est un abri sûr pour les femmes en quête d’un refuge. Malgré la difficulté et l’incertitude à vivre là, Country reste parce que « c’est beau, j’aime la rue ».

Willy logeait autrefois sous la voie 13, à Penn Station. Après les attaques du 11 Septembre, il a été « expulsé » et vit maintenant dans un carton près de la station dans la 34e rue. Il ne se sent à l’aise pour dormir que dans ce carton, d’où il peut entendre les trains qui passent sous la rue.

Mélange de fragilité et de force, de tragique et de beau, d’autodestruction et de survie, ces hommes et femmes sans abri sont avant tout des êtres humains, tout comme nous. Bien qu’ils vivent à l’écart, ils sont nos semblables. Rien n’est simple dans la pénombre de la rue.

« Ne me traitez pas de SDF. » Country.

Je dois beaucoup aux photographes et rédacteurs des cours et ateliers du Centre international de photographie et de l’atelier Eddie Adams ainsi qu’aux collègues du collectif de photographes émergents What We Saw (Ce que nous avons vu) qui m’ont soutenue. Les tirages de référence ont été réalisés avec l’aide de Matt McDonough. Dans la pénombre des villes est un projet collectif, rendu possible uniquement grâce à la générosité des hommes et femmes que j’ai pu photographier et des nombreux autres qui ont accepté de participer. Un grand merci à tous ceux qui aiment, dans l’ombre, prendre des risques.

Andrea Star Reese

Andrea Star Reese est lauréate 2010 de la bourse photographique de la Fondation des arts de la ville de New York.

Andrea Star Reese

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Andrea Star Reese 2009
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