Le Soudan, le plus vaste des États d’Afrique, vient de vivre une période cruciale. En janvier 2005, un accord de paix entre le Nord et le Sud-Soudan a mis fin à la plus longue guerre civile africaine, dont les pertes humaines sont estimées à 2 millions de personnes. « La marche finale vers la liberté », nom que l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), sudiste, a donné aux années de transition qui ont débouché sur le référendum pour l’autodétermination de janvier 2011, a permis au Sud de devenir maître, depuis le 9 juillet, jour de son indépendance, de 80 % des réserves de pétrole d’un Soudan qui reste l’un des pays les plus pauvres et les moins développés du monde.

Malgré les doutes, les Sud-Soudanais ont pu voter comme convenu lors de ce référendum historique et se sont prononcés à 98 % en faveur de la séparation. Mais diverses factions rebelles locales ont surgi, la plupart dirigées par des officiers de l’APLS, dont certaines ont même formé une coalition. L’indépendance est une chose, mais l’attrait du pouvoir ou l’appel à l’appartenance ethnique semblent plus importants.

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La situation aujourd’hui reste similaire à celle des vingt-deux années de guerre civile : malnutrition chronique ; 75 % de la population n’a pas accès aux soins de santé primaires ; pas de routes, peu d’écoles, pas d’accès à l’eau et une insécurité grandissante. À cela s’ajoutent d’autres enjeux majeurs : la démarcation de la frontière, la répartition des terres agricoles et de la manne pétrolière, le partage des eaux du Nil. En mai dernier, les forces armées du Nord ont pris le contrôle de la ville d’Abyei, en violation des accords de paix de 2005.

Conséquence : de nombreux morts et des milliers de déplacés. C’est là, autour d’Abyei, que se cristallisent les tensions entre le Nord et le Sud. À la base, un désaccord sur l’accès au pâturage et à la rivière Kiir entre les Dinkas Ngok et les pasteurs « arabes » Misseriya qui doivent passer par la ville avec leur bétail. La prise d’Abyei ne fait que confirmer la crainte des autorités sudistes : les différentes rebellions dissidentes du SPLA tracent, à partir d’Abyei, un arc de cercle s’étendant jusqu’à la frontière éthiopienne, et isolent les régions pétrolières majeures du reste du Sud. Vu de Juba, la stratégie imputée au Nord est évidente…

Depuis le mois de juin, le gouvernement de Khartoum recommence une guerre dans les monts Nuba et bombarde l’APLS Nord, qui a combattu avec les sudistes, ainsi que la population civile qui depuis l’indépendance fait partie de facto du Nord, sans avoir eu sa consultation populaire prévue, afin de garder les zones fertiles et d’annihiler toute nouvelle volonté autonomiste.

Cédric Gerbehaye

Je tiens à remercier Magnum Foundation Emergency Fund, Le Figaro Magazine et Stern.

Cédric Gerbehaye

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stephan vanfleteren
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