Lauréat du Prix Pierre & Alexandra Boulat 2020

En 2019, près de 60 % des employés et cadres de bureau déclaraient s’ennuyer au travail. Sujet tabou dans les entreprises, ce risque de « bore-out », ou syndrome de l’ennui au travail, est deux fois plus important chez les milléniaux que chez les baby-boomers.

Souhaitant documenter la manière dont les nouvelles technologies permettent de redéfinir les codes du travail, je me suis rendu à Bali, destination préférée des jeunes Occidentaux dans leur quête d’épanouissement grâce au travail à distance. Installés dans les espaces de coworking, ces « digital nomads » m’ont expliqué pourquoi « l’île des dieux » s’était transformée en une « Silicon Bali ». Que l’on soit web developer, webdesigner ou community manager, on accède là-bas pour quelques heures de travail à distance à ce graal de plus en plus inaccessible dans les sociétés occidentales : l’indépendance économique, l’appartenance à une communauté et la possibilité de profiter du moment présent dans un monde où l’avenir n’a jamais paru aussi incertain.

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Mais en Occident, les entreprises ont encore des réticences à donner du travail à ces exilés numériques, préférant avoir leurs employés sous la main, les pieds sous un bureau plutôt que dans l’eau.

Et alors que l’on attendait davantage la révélation du télétravail comme une solution à l’émergence de l’intelligence artificielle ou à l’instauration du revenu universel, c’est bien un ennemi invisible qui va profondément changer la donne.

Rien qu’entre février et mars 2020, à la veille du premier confinement, le nombre moyen de recherches sur Google en France autour du mot-clé « télétravail » explose, passant de 88 000 à 860 000. Beaucoup d’entreprises ne voient alors que le télétravail pour assurer la continuité de leur activité. De l’image nonchalante qu’on lui prêtait il y a encore quelques mois, le télétravail devient alors une expérience forcée. Près de 7,5 millions de Français se retrouvent à organiser des réunions virtuelles de chez eux. Pour certains même, deux nouveaux camps émergent : la France du télétravail, et les autres.

Mais passé l’euphorie des premières semaines d’« apéros Zoom », les premiers maux ne tardent pas à s’exprimer sur les claviers des nouveaux télétravailleurs. Parmi eux : l’isolement, l’anxiété, les douleurs physiques ou encore le devoir d’être toujours accessible « en ligne » afin de pallier l’absence physique.

À travers ce reportage, j’ai souhaité ainsi documenter le télétravail de Bali à l’Europe, de l’avant et de l’après-pandémie, celui d’un monde en mouvement devenu immobile. Quels tendances et comportements vont émerger du côté des entreprises et de leurs employés ? De quelle manière les Français vont-ils reprendre le chemin du travail… ou du télétravail ?

Jérôme Gence

Je tiens à remercier pour leur confiance toutes les personnes qui m’ont ouvert leur quotidien au cours de ce reportage, Annie Boulat, les membres du jury du Prix Pierre et Alexandra Boulat 2020, ainsi que Cyril Drouhet, directeur de la photographie et des reportages du Figaro Magazine.

Jérôme Gence

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