Lauréat·e : Visa d’or humanitaire du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) 2012

À la veille du soulèvement syrien, les adversaires les plus résolus du régime de Bachar el-Assad étaient les premiers à redouter une révolution. Tous gardaient en effet en tête l’écrasement de Hama en 1982, épilogue sanglant d’une insurrection islamiste de trois ans. Le régime syrien, dirigé à l’époque par Hafez el-Assad, le père de l’actuel président, n’avait alors pas hésité à faire tirer à l’arme lourde sur la quatrième ville du pays, au prix de milliers de morts, même si jamais aucun bilan officiel n’a été publié (entre 10 000 et 20 000 morts selon les estimations).

Ces opposants voyaient juste. Depuis le 17 mars 2011 et les premières tueries à Deraa, dans le sud du pays, le pouvoir syrien a privilégié à nouveau la réponse militaire, augmentée à la marge de réformes jugées purement cosmétiques. Confronté à des marées humaines prenant pacifiquement le contrôle des rues et face auxquelles il était désarmé, le régime a tenté de pousser une partie de cette opposition vers la lutte armée, un terrain sur lequel il pensait être à son avantage.

Cette pression a été à l’origine de la constitution de l’Armée syrienne libre, formée de déserteurs et de civils, sans pour autant que les cortèges de la colère, chaque vendredi, ne disparaissent. Mais le calcul de Bachar el-Assad s’est avéré à courte vue puisque c’est une guérilla classique qui s’est mise en place, aussi prompte à céder le terrain lorsque la pression des forces concentrées ponctuellement par le régime est trop forte, qu’elle est rapide à y revenir après le départ des blindés en direction d’un autre bastion rebelle.

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L’autre échec du régime tient à son incapacité à restaurer « le mur de la peur » constitué par au moins trois décennies de répression, du massacre de la prison de Tadmor, en 1980, à celui de celle de Sednaya, en 2008. Depuis le début du soulèvement, le régime a pourtant laissé ses milices, les chabiha, se charger de la sale besogne : exécutions sommaires, tortures, nettoyages communautaro-ethniques, viols…

De fait, le pays est livré depuis plus de quinze mois à une violence inouïe. Une violence d’État qui n’a que faire des principes humanitaires les plus fondamentaux. C’est ainsi que les hôpitaux, les services de santé, les médecins ont été la cible des chasses à l’opposant organisées dans tout le pays. Les témoignages recueillis à Homs par les envoyés spéciaux du Monde, le rapport rédigé par l’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières font état de véritables battues dans les établissements publics, ne laissant aux blessés d’autre choix que de s’en remettre à des dispensaires de fortune où les médicaments n’arrivent qu’au compte-goutte, lorsqu’ils arrivent.

Pour préserver ses chances de survie, le régime syrien a fait le choix d’une barbarie sans retour qui diffuse la haine et qui nourrit représailles et règlements de comptes. Le choix de la terre brûlée.

Gilles Paris, chef du service international du Monde

Mani

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