C’est en 2018 que Mélanie Wenger rencontre Erik Grimland à une convention organisée par un lobby pro-chasse au Texas. Après avoir passé plusieurs années à documenter la place qu’occupe la chasse aux trophées dans la conservation de la faune sauvage en Afrique, la photographe souhaite ouvrir un nouveau chapitre sur le commerce des animaux exotiques aux États-Unis.

C’est pour comprendre ce monde complexe où s’entrechoquent traditions, consumérisme et virilisme qu’elle a suivi pendant plus de trois ans Erik Grimland et ses proches. Chasseur depuis l’enfance, fils d’un père pro-chasse et d’une mère anti-chasse, ex-policier reconverti dans la chasse professionnelle et la taxidermie, ce Texan de cœur et cow-boy dans l’âme lui a ouvert les portes d’un monde peu exposé aux regards des médias ; les portes de cette Amérique rurale, sudiste et en colère sur laquelle Donald Trump a en partie bâti sa victoire en 2016.

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Des ranchs texans et leurs enclos où gambadent des animaux en semi-liberté jusqu’à la brousse africaine, graal des chasseurs qui viennent y dépenser plusieurs milliers de dollars pour exercer leur passion, ce travail n’est pas un plaidoyer pour la chasse. Il n’en est pas non plus le pourfendeur. Il tente simplement de comprendre les complexités de cette pratique. Et d’en révéler les nuances, les vérités comme les contradictions.

Ses partisans sont formels : tuer légalement un animal serait un moyen d’en sauver plusieurs et de préserver aussi d’importantes zones de terres sauvages de plus en plus menacées par une démographie galopante et une urbanisation effrénée. Un argument qui provoque une levée de boucliers de la part des associations de défense des droits des animaux et de certains écologistes. Ce débat soulève plusieurs questions : la chasse peut-elle être utile dans l’effort de conservation de la faune et de l’environnement, et si oui, comment ? Les revenus générés par la chasse aux trophées en Afrique et aux États-Unis sont considérables, mais où va réellement l’argent ? Et comment est-il utilisé par les institutions ? Bénéficie-t-il systématiquement aux communautés locales, comme le prétendent les chasseurs ? Autant d’interrogations qui entourent depuis plusieurs décennies cette activité pourtant pratiquée par l’Homme dès l’aube de l’humanité.

Moyen de subsistance de notre espèce depuis des centaines de milliers d’années, symbole de force, de virilité et de pouvoir dans d’innombrables cultures, la chasse est-elle vouée à s’éteindre dans les tumultes du XXIe siècle pour devenir, à son tour, le trophée relique d’une pratique disparue ?

Vincent Jolly

Grand reporter au Figaro Magazine

Mélanie Wenger

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© Lorenzo Meloni
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